Alors que les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima sont toujours en cours (oui, Tchernobyl est toujours en cours et hors de contrôle), alors qu’il y a quelques jours encore, dans un communiqué, le Secrétaire Général des Nations-Unies exhortait le monde à tirer les leçons de ces catastrophes, alors que le nombre de personnes (en particulier les enfants) développant des maladies liées à leur exposition au césium ne cesse de croître en Europe centrale comme au Japon (je rappelle que de plus en plus d’enfants japonais se voient détecter des nodules thyroïdiens), le Président français et le Premier Ministre Japonais continuent, dans un aveuglement incompréhensible, manipulés probablement par des lobbyistes pro-nucléaires (spéciale dédicace à JM Jancovici et aux membres très actifs et influants de la SFEN, l’un des lobbys les plus puissant et dangereux qui soit dans notre pays) le développement de la filière nucléaire en signant un accord visant à collaborer au développement de réacteurs de 4ème Génération au sodium. Yannick Monget
De quoi s’agit-il ? De réacteurs à neutrons rapides, refroidis au sodium utilisant comme combustible de l’uranium peu enrichi et appauvri, issu des combustibles usés sortis des centrales actuelles ayant l’avantage d’éviter l’enrichissement de l’uranium et consommant lui-même le plutonium produit et réduisant la durée de vie de certains déchets par transmutation.
Dit comme ça, on pourrait croire à une solution miracle gommant définitivement les erreurs du passé, et promettant un avenir radieux et hautement sécurisé au nucléaire… et il est parfaitement vrai que ce type de réacteur peut brûler des déchets à vie longue (les actinides mineurs) – pour autant que l’on soit capable de retraiter le combustible usé, évidemment.
Sauf que…
Sauf que ce projet (déjà en développement puisque 650 millions d’euros lui ont déjà été attribué pour la recherche dans le cadre du grand emprunt) n’est qu’une version légèrement modifiée sur supergénérateur Superphénix (réacteur nucléaire français arrêté en 1998, qui n’a jamais réellement fonctionné), et qu’il va être testé sur le supergénérateur de Monju (actuellement arrêté depuis 4 ans à cause d’une série d’incidents), situé lui-même… en plein sur une faille sismique des plus active (comme quoi on n’a vraiment rien appris). L’Autorité de règlementation du Nucléaire (ARN) non seulement confirme que le réacteur 2 est situé sur une faille active, et réclame de ce fait l’arrêt de cette installation (un détail que l’on a probablement « oublié » de donner à notre Président)
Sauf que ces centrales n’ont absolument rien de moins dangereux : le sodium liquide s’enflamme spontanément au contact de l’air quand il est chaud et explose au contact de l’eau en produisant de l’hydrogène. (Je ne suis pas certain que notre Président, ni même le Premier Ministre japonais en ait été informés… mais bon, ils ne peuvent être au courant de tout) et éteindre du sodium n’est pas évident (mais contrairement à ce que disent certains sites, on sait à présent comment éteindre des feux de sodium, ai-je appris d’un contact au sein du CEA qui me l’a confirmé, même s’il est vrai qu’il faut une formation spéciale pour cela).
Certains se souviendront pour terminer de cette déclaration d’un ingénieur d’EDF – JP Pharabod pour ne pas le citer qui expliquait dans les médias à l’époque de superphénix qu’il n’était pas « déraisonnable de penser qu’un grave accident dans de tels réacteurs tuent plus d’un million de personnes si cela venait à arriver en France ». Pour la petite histoire et pour en revenir à la centrale de Montju, rappelons qu’il a été mis à l’arrêt en 1995 suite justement à une fuite de sodium qui avait entrainé un violent incendie. (Toujours pour la petite histoire il est intéressant d’apprendre que lors de l’accident, l’incendie n’avait pas déclenché l’alarme et l’arrêt d’urgence et qu’il fallut arrêter manuellement le réacteur 1h30 après le début de la fuite)…
La question que je me pose personnellement c’est pourquoi ? Pourquoi miser sur une technologie à la fois dangereuse alors que d’autres technologies plus avantageuses et plus sûres existent, même dans le nucléaire. Quelqu’un du CEA me répond partager certains de mes questionnements car des pistes comme le thorium (dont je parle dans « Résilience ») seraient intéressantes à explorer en comparaison avec celle du sodium. Evidemment pas du nucléaire du tout serait encore mieux, nous en conviendrons tous et quitte à dépenser de l’argent en recherche et développement, il serait sûrement plus judicieux de focaliser sur le renouvelable ainsi que le stockage de certaines ressources. Qu’attend-on ? D’autant que d’autres prennent déjà de l’avance. A croire que l’on fait tout pour que l’accident arrive avec des technologies qui nous font courir un risque insensé !
Vous allez me dire, l’accident peut s’avérer parfois rentable pour certains, et quelques entreprises bien de chez nous l’ont compris. Prenons le cas de Tchernobyl, rappelons que la conception de l’enceinte de confinement de la centrale de Tchernobyl (actuellement en travaux) a pour maître d’œuvre Novarka, entreprise détenue à parts égales par les sociétés françaises Vinci Construction Grands Projets (Ça… pour être grand, il est grand celui-ci) et Bouygues Travaux Publics pour un contrat de… 1,5 milliard d’euros. A cela ajoutez les options, comme le dépôt pour les déchets radioactifs (plusieurs centaines de millions d’euros) construit à côté, les retombées financières sont plus qu’intéressantes. Bon, petit détail, l’arche comme le dépôt ne serviront à rien. Le dépôt est inutilisable par exemple puisqu’il ne permet pas le refroidissement du combustible irradié et que la forme de l’édifice ne permet pas d’y entreposer les barres de combustible usé (Comme quoi on peut avoir bac + 6 et plus et ne pas savoir dessiner un plan). Quant à l’arche… comme l’explique très bien M. Andreïev, elle ne règle pas du tout le problème du sarcophage et, cerise radioactive sur le gâteau, cet édifice sera temporaire (vous avez bien lu, il devra être démoli dans 20 ou 30 ans… comment ? on n’en sait rien, mais bon, nos enfants trouveront bien la solution, ne vous inquiétez pas).
Sauf que… sauf que là aussi, les pro-nucléaires (comme nous tous d’ailleurs) risquent de déchanter le jour où un nouvel accident majeur arrivera sur notre territoire. Même la Cour des comptes (qui estimait à 400 milliards d’euros le coût d’un accident en France) a abandonné semble-t-il le chiffrage. Il faut dire que l’on ne sait pas gérer un accident nucléaire, il faut dire que nous ne savons pas quoi faire des déchets… nous ne savons rien… mais nous continuons à jouer avec l’atome toujours avec cette même inconscience et folie qui, même sans accident majeur, plombera dans les années à venir l’économie française, ne serait-ce par le cout incommensurable des travaux de sécurité à apporter à nos installations conjugué au cout de l’indispensable démantèlement de ces multiples bombes à retardement qui parsèment notre territoire.
Non Monsieur le Président, non Monsieur le Premier Ministre, vous n’avez décidément rien compris, ni rien appris…