Sous-marins nucléaires de Brest et missiles: ouvriers irradiés et pastilles d'iode

À l’Île-Longue, l’eau des chaufferies nucléaires des quatre sous-marins, légèrement radioactive, est régulièrement renouvelée. Longtemps dispersées en mer, les eaux très légèrement contaminées de leurs chaufferies nucléaires sont aujourd’hui en partie évaporées et stockées à terre. Ouest France 26 mars 2013
Des comprimés d’iode seront distribués dans les semaines qui viennent aux habitants qui résident près de la base navale de Brest. Plusieurs milliers de Brestois seront concernés, « tout autour de Recouvrance », Fr3 25 mars 2013
Le 2 avril , France 3 aborde le sujet des ouvriers civils de l’arsenal de Brest aujourdhui malades par contamination et qui ont travaillé au contact de missiles nucléaires à la base de l’Ile Longue. 
A lire aussi un article du 03 avril 2013 de Marine Jobert sur le Journal de l’environnement Les «irradiés métropolitains» de la bombe nucléaire contre le secret défense.
Enfin, Bastamag fait le point sur le dossier au 10 octobre 2013: « Ambiance concentrée ce 18 septembre dans la salle des pas perdus du tribunal de Rennes. Une quinzaine d’anciens salariés de la direction des chantiers navals (DCN) de l’Île Longue, dans la rade de Brest, se serrent autour de leur avocate, maître Cécile Labrunie….. » 

Des sous-marins à l’uranium

En 1972, Le Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français, entrait en service à l’Île-Longue. La base a hébergé jusqu’à six submersibles. Ils ne sont plus que quatre aujourd’hui. Chacun embarque 16 missiles nucléaires. La propulsion de ces bâtiments de 14 000 tonnes repose sur une chaufferie nucléaire fonctionnant à l’uranium enrichi (plusieurs centaines de kilos par sous-marin).

En piscine à l’Île-Longue

Ce « combustible » est changé tous les 12 ans. Il passe par une piscine à l’Île-Longue puis est exporté vers Cadarache (Bouches-du-Rhône) où une cinquantaine de coeurs usagés seraient aujourd’hui stockés. Un coeur de SNLE serait 50 à 100 fois moins puissant que celui d’une centrale nucléaire EDF. La piscine accueille aussi provisoirement le coeur nucléaire en cas de gros entretien du sous-marin, dans le bassin 8 à Brest.

Pas de stockage à Brest

Il n’y aurait ainsi aucun stockage d’uranium à Brest. Seule l’Île-Longue est concernée. En temps normal, il n’y a pas non plus de bâtiment nucléarisé, depuis le départ du porte-avions Charles de Gaulle à Toulon en 2000. Ponctuellement, des bâtiments étrangers ou des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), à propulsion nucléaire, font escale.

Changer l’eau contaminée

Le coeur nucléaire chauffe l’eau d’un circuit dit « primaire », de 12 000 litres. Il n’y a pas de contact direct grâce à une gaine étanche. Mais l’eau à 250 °C se charge néanmoins peu à peu d’éléments radioactifs de fer, nickel ou argent. Pour éviter que le taux de radioactivité de cette eau n’augmente, elle est partiellement changée au fil des arrêts techniques, puis totalement lors du renouvellement du coeur, tous les 12 ans.

Rejets en rade

En 2003, le laboratoire indépendant Acro assurait n’avoir « aucune information sur les rejets de la base de l’Île-Longue ». Il écrivait, faute d’en savoir plus, « a priori, ces effluents liquides ne seraient pas rejetés en mer ». Or, on sait aujourd’hui que pendant 36 ans, cette eau du circuit primaire a bel et bien été rejetée en rade de Brest, dans le plus strict secret défense. Une méthode assez courante, sujette à autorisation, également pratiquée à Toulon et Cherbourg.

« Faible impact »

Pas tout à fait dupe, l’Acro constatait des traces d’Argent 110 dans les huîtres autour de l’Île-Longue, Argent 110 qui « proviendrait de l’entretien des sous-marins nucléaires ». Le laboratoire concluait à un « très faible impact radiologique », mais conseillait des études complémentaires sur les coquilles Saint-Jacques.

Une station très spéciale

Les rejets en mer auraient cessé. Depuis 2008, un Décret d’autorisation de rejets et de prélèvement d’eau (Darpe) permet d’évaporer cette eau désormais stockée à terre à l’Île-Longue. Une station d’épuration très spéciale y accueille aussi les effluents radioactifs des bases de Cherbourg et Toulon. La Marine a déjà communiqué sur « une dizaine de rejets par an ». Selon elle, en 2011, les rejets gazeux issus de cette évaporation ont été très en deçà de l’autorisation, avec une dose « 200 000 fois inférieure à la dose limite pour la population ».

En cubes de béton

Après évaporation, le reliquat est utilisé pour faire des cubes de béton. Encore aujourd’hui sur place, ils seront transportés vers un site de stockage de l’est de la France. Le petit matériel irradié ou potentiellement contaminé (tenues, outils…) est confié à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

Ouest-France

 http://www.brest.maville.com/actu/actudet_-Radioactivite-en-rade-faible-impact-des-sous-marins_une-2313410_actu.Htm

Les Brestois vont recevoir des pastilles d’iode. Des comprimés d’iode seront distribués dans les semaines qui viennent aux habitants qui résident près de la base navale de Brest. Plusieurs milliers de Brestois seront concernés, « tout autour de Recouvrance », nous apprend la sous-préfecture de Brest. Par Sylvaine Salliou Fr3 25/03/2013

La mise à jour du Plan Particulier d’Intervention de la base navale de Brest, comprend de nouvelles dispositions qui entraîneront la distribution préventive d’iode à la population concernée, dans un périmètre de 500 m autour de la base. C’est une obligation légale, nous indique la sous-préfecture de Brest. Prévue par le PPI de la base de Brest, elle est mise en oeuvre par la mairie. Les services de la ville de Brest distribueront des comprimés d’iode, dans les semaines qui viennent. Une partie des habitants de Toulon, ceux qui résident près du port, reçoit des pastilles d’iode depuis plusieurs années. Pour les Brestois, ce sera une première. Des précisions sur le mode de distribution seront apportées mercredi, lors d’une conférence de presse.

Pourquoi de l’iode contre le nucléaire?

En France, depuis 1996, soit 10 ans après Tchernobyl, des comprimés d’iode sont distribués aux personnes qui vivent près des installations nucléaires. C’est le Préfet qui décide si la situation nécessite la prise d’un comprimé d’iode stable et à quel moment cette prise doit être effectuée. La posologie diffère selon l’âge, le poids et l’état de santé du patient :

  • à partir de 12 ans, adultes, y compris les femmes enceintes, 2 comprimés d’iode,
  • pour les enfants de 3 à 12 ans,  un comprimé d’iode,
  • pour les enfants de 1 mois à 3 ans,  un demi-comprimé d’iode et
  • pour les nourrissons jusqu’à 1 mois, un quart de comprimé d’iode.

Avec les comprimés, la thyroïde est protégée une dizaine d’heures.

 http://bretagne.france3.fr/2013/03/25/iode-222691.html

Ile Longue combien d’ouvriers irradiés?
De 1972 à 1996, des personnels civils auraient travaillé sans protection au contact de missiles à tête nucléaire. L’association Henry Pezerat tente de retrouver ces ouvriers irradiés. Une dizaine de cas avérés de leucémies, cancers sont déjà recensés.

http://bretagne.france3.fr/2013/04/02/ile-longue-combien-d-ouvriers-irradies-227171.html

En savoir plus sur l’Ile Longue

http://videos.tf1.fr/jt-13h/exclusif-confidentiel-defense-l-ile-longue-et-ses-sous-marins-7400729.html

Les «irradiés métropolitains» de la bombe nucléaire contre le secret défense. Journal de l’environnement , le  03 avril 2013 par Marine Jobert

Pendant 25 ans, l’armée française a employé des civils pour manipuler les têtes nucléaires des missiles balistique qui équipent les sous-marins nucléaires lanceurs d’engin. En tout, ce sont environ 130 personnes qui ont côtoyé quotidiennement et sans aucune protection ces ogives nucléaires à l’île Longue, dans la rade de Brest. Ce sont les premiers «irradiés métropolitains» de la bombe nucléaire française; pour une dizaine d’entre eux, leur maladie a été reconnue par l’armée, grâce à la persévérance de militants CGT. Annie Thébaud-Mony est chercheure en santé publique et spécialiste de la santé en lien avec le travail. Elle a fondé l’association Henri Pézerat, de nom d’un ancien toxicologue au CNRS, figure-clé dans le dossier de l’amiante. Elle est allée cette semaine à Brest pour rencontrer d’autres employés à la retraite des arsenaux militaires et créer une antenne régionale de l’association en Bretagne. Elle raconte au Journal de l’environnement l’histoire de cette contamination classée secret défense.

JDLE – Qui sont ces «irradiés métropolitains» qui travaillaient dans les arsenaux militaires de Brest?

De 1972 à 1996, environ 130 personnes ont travaillé sans la moindre protection au contact direct des ogives nucléaires: pyrotechniciens, mécaniciens, appareilleurs, soudeurs ou électriciens. Et puis en août 1996, quelqu’un aurait oublié près des ogives des films sensibles à la radioactivité –l’histoire est rapportée par les pyrotechniciens- ce qui aurait mis en évidence la radioactivité et amené l’armée à réaliser, pour la première fois, des mesures de rayonnement. Et ce dans le plus grand secret. Car selon la «doxa» de l’époque, il n’y avait aucun risque. Même si le terme de «zones contrôlées»[1] existe depuis les années 1960 dans le monde nucléaire, il n’a été introduit que bien plus tard dans les arsenaux. L’armée disait que la radioactivité était «confinée». J’ai vraiment été stupéfaite des conditions complètement irresponsables dans lesquelles on les a laissé travailler. Car non seulement on ne leur a donné aucune information sur les risques, mais en plus on leur a dit qu’il n’y avait aucune émission radioactive. Or c’est faux: ces têtes de missiles contiennent du plutonium et du tritium. Pour vous donner une idée de l’état d’esprit qui régnait dans les ateliers, un ex des arsenaux nous racontait que, par exemple, quand il devait attendre un collègue, il prenait appui sur la tête des missiles (voir ce reportage de France 3-Bretagne)!

JDLE – Qu’est-ce qu’ont démontré les analyses menées par l’armée?

On aimerait bien le savoir! En novembre 1996, quand le Comité d’hygiène et sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’île Longue est convoqué par la Direction des constructions navales (DCN, devenue DCNS), la réalité des radiations est annoncée officiellement. Deux jours plus tard, la DCN annonce que des mesures de radioprotection vont enfin être prises. Une enquête finit par être diligentée, mais on n’en connaîtra jamais les résultats, car ils sont couverts par le secret défense! Du coup, c’est grâce au travail de militants, comme Francis Talec de la CGT –qui était déjà très impliqué dans la lutte contre l’amiante sur les sites des travailleurs de l’Etat pour la marine à Brest- que la vérité des maladies professionnelles a émergé peu à peu, même s’ils manquaient cruellement d’information sur ce qu’on leur faisait vivre. Très concrètement, sur environ 130 salariés qui ont été exposés, une dizaine de malades ont été identifiés. La majorité a développé une leucémie, d’autres des cancers de la prostate ou du rectum; une petite moitié d’entre eux sont décédés. Certaines de ces maladies ont été reconnues comme des maladies professionnelles, et dans 4 cas au moins, la faute inexcusable de l’employeur -l’armée via le ministre de la défense- a été reconnue. Cela veut dire que l’armée, en toutes lettres, a admis ses torts. Mais nous allons malheureusement découvrir d’autres cas encore: l’un d’entre eux nous a expliqué que 10 de ses collègues étaient morts entre 55 et 60 ans. On a eu un choc en entendant cela. D’autant que je m’interroge aussi sur les conditions actuelles de travail. C’est pourquoi nous demandons qu’une enquête sur les conditions de travail et d’exposition passées et actuelles soit diligentée, car je reste perplexe.

JDLE – Quelle est la nature du combat que va mener l’antenne régionale de l’association Henri Pézerat, qui vient d’être créée à Brest?

Nous allons d’abord nous bagarrer contre le secret défense. Je rappelle que nous ne savons rien des résultats des campagnes de mesures menées par l’armée. Les effets sanitaires des rayonnements ionisants sont bien connus. Il y a des effets immédiats pour les très fortes doses. Pour les faibles doses, il existe trois types d’effets: les effets cancérogènes, les mutations génétiques (à une ou deux générations) et les perturbations du système immunitaire et endocrinien. Le gros problème de la radioactivité, c’est que les effets ne sont pas spécifiques. Mais à Brest, j’ai entendu parler de cas de leucémie foudroyante, en quelques semaines ou quelques mois, ce qui signe des irradiations ou des contaminations radioactives fortes sur un temps très court. C’est ce qu’on appelle les pics d’exposition, avec d’une part une exposition à très bas bruit –ce qui fait déjà des dégâts- et d’autre part un rayonnement neutronique très fort. Mais on en est au stade des hypothèses, à cause du secret défense.

Par ailleurs, il s’agit de s’interroger sur le sort de tous ces travailleurs de la bombe, civils comme militaires, qui ont été exposés sur quantité de sites. Et sur le sort des riverains de certains de ces sites. Exemple: le fort de Vaujours, en Seine-Saint-Denis, où ont eu lieu des tirs à l’uranium dans des casemates, mais aussi à l’air libre. Le site est aujourd’hui fermé, mais pas décontaminé. Un ancien ingénieur du CEA a témoigné, dans un journal, de la présence de plusieurs kilos d’uranium dispersés dans la nature, en dehors des limites du fort. Or nous avons été contactés il y a quelques temps par des riverains inquiets à cause de la recrudescence de cancers précoces. Il y a du travail!

Annie Thébaud-Mony a publié le texte de son intervention, intitulée «Santé des travailleurs et sûreté nucléaire au risque de la sous-traitance», prononcée lors du colloque «Radioactivité et santé: risques et radioprotection» organisé à Bruxelles en mars 2012.


[1] Zone soumise à une réglementation spéciale pour des raisons de protection contre les rayonnements ionisants et de confinement de la contamination radioactive et dont l’accès est réglementé. Source: Ineris.

Les ouvriers de l’Île Longue, victimes oubliées de la dissuasion nucléaire PAR NOLWENN WEILER

Pendant 25 ans, ouvriers mécaniciens et pyrotechniciens ont consciencieusement assemblé les ogives nucléaires destinées à assurer l’indépendance de la France en matière de dissuasion. Des pièces contenant du plutonium ou du césium étaient manipulées sans précaution particulière sur la base de l’Île Longue, dans la rade de Brest.  Aujourd’hui, plusieurs salariés frappés de cancers ou de leucémies tentent de faire reconnaître leurs maladies professionnelles. Le ministère de la Défense et l’ancienne Direction des chantiers navals déclinent toute responsabilité.

http://www.bastamag.net/article3379.html

2 Commentaires

1 ping

    • HANNE sur 28 mars 2013 à 23 h 49 min
    • Répondre

    Bonjour, Vos données concernant l’iode stable ne sont pas tout à fait exactes : pour que je puisse vous envoyer mes documents, merci de me donner une adresse amil.
    Salutations antinucléaires
    ME Hanne

    1. jacques.a@free.fr

  1. […] Voir aussi: Sous-marins nucléaires de Brest et missiles: ouvriers irradiés et pastilles d’io… […]

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