Qui démantèlera la centrale nucléaire de Sellafield ?

Des barils contenant des déchets fortement radioactifs sont stockés à Sellafield, en 2002, avant traitement - AFP/ Odd Andersen ROYAUME-UNI: Le démantèlement du complexe nucléaire britannique n’est plus du ressort du privé : le gouvernement reprend la main. Alors que les délais n’ont cessé de s’allonger et les surcoûts de s’additionner, le site est plus que jamais une bombe à retardement. COURRIER INTERNATIONALl VIRGINIE LEPETIT 26 JANVIER 2015
Des barils contenant des déchets fortement radioactifs sont stockés à Sellafield, en 2002, avant traitement – AFP/ Odd Andersen

« Sellafield avait disparu des gros titres ces dernières années, après des décennies marquées par les accidents nucléaires, l’incompétence de la direction, l’usine à gaz commerciale et la gabegie bureaucratique. » Mais voilà que le vieux site nucléaire britannique revient sur le devant de la scène, indique The Telegraph, qui revient sur l’histoire du complexe dans un article titré « Why Sellafield costs us all a bomb ».

Le démantèlement du site avait été confié en 2008, pour 80 milliards de livres [107 milliards d’euros] à un consortium privé, Nuclear Management Partners (NMP), qui regroupait l’américain URS, le britannique Amec Forster Wheeler et le français Areva. Ce consortium était censé apporter « une expertise de classe mondiale » et « en finir avec des décennies d’inaction, souligne le New Scientist, citant le ministre de l’Energie de l’époque, Mike O’Brien. Mais, pour The Independent, NMP s’est montré aveugle, il a ignoré les faits et les problèmes du site et a persisté à donner des délais plus qu’optimistes malgré les avertissements répétés des experts.

Sept ans après la signature du contrat, la mission est donc retirée au consortium. En cause, selon The Telegraph : « Trop de retards accumulés et des surcoûts atteignant des niveaux stupéfiants. » Il revient donc à l’Etat de démanteler Sellafield, via la Nuclear Decommissioning Authority (NDA).

Accidents et scandales

C’est une nouvelle péripétie dans l’histoire chaotique de ce complexe nucléaire. Ce site de 10 kilomètres carrés, sur lequel ont travaillé jusqu’à 10 000 personnes, est situé en Cumbrie, dans le nord-ouest de l’Angleterre, près de la mer d’Irlande. Il comprend notamment une usine de traitement des combustibles usés sur laquelle une fuite de matière radiactive a mis huit mois à être détectée en 2005, une usine de production de MOX (un combustible nucléaire recyclé), un réacteur graphite-gaz, une usine de traitement des combustibles, plusieurs unités de production d’électricité ou de combustible à l’arrêt et un site militaire. Et surtout un centre de stockage de déchets nucléaires. Le tout en piteux état.

« Sellafield a besoin d’aide, indique le New Scientist. Il va pourtant falloir attendre cinq ans de plus pour que l’un des sites les plus dangereux du monde, sur lequel sont stockés des déchets qui datent de l’aube de l’ère nucléaire, soit démantelé. » On parle maintenant d’un nettoyage à l’horizon 2030 pour les premières parties du complexe qui devraient être traitées.

Une bombe à retardement

Pendant ce temps n’importe quel incident sur ce site en grande partie à l’abandon pourrait larguer à nouveau des matériaux radioactifs dans l’atmosphère du Royaume-Uni et au-delà, ajoute le magazine scientifique britannique. Les 4 bassins de stockage et les îlots de Sellafield contiennent des centaines de tonnes de déchets correspondant à soixante ans d’exploitation. Des déchets qui remontent même à la fabrication de la première bombe nucléaire britannique dans les années 1950 et 1960.

130 tonnes de plutonium, inutile et très dangereux, datant de la création du complexe et de la production de matériau pour la bombe nucléaire britannique dans les années 1950 et 1960, sont stockées à Sellafield, où le béton des bâtiments craque de toute part, où des liquides se répandent  dans le sol, où les gaz produits par la corrosion font courir des risques d’explosion. Et où chaque mois supplémentaire sans intervention coûte des millions de livres aux contribuables britanniques, souligne The Independent.

 

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