Cancers du sang et de la prostate, maladie de Parkinson, infertilité : l’exposition chronique des adultes – riverains et applicateurs – à des pesticides augmente les risques de contracter certaines maladies. Voilà un an, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiait les conclusions d’une synthèse de centaines d’études internationales ayant suivi, au cours des trois dernières décennies, l’état de santé de populations rurales ou de cohortes de travailleurs agricoles. LE MONDE Par Stéphane Foucart
Surtout, l’expertise collective de l’Inserm indiquait que les expositions, « même de faible intensité », au cours de la période prénatale ou périnatale, augmentent le risque de développer des malformations congénitales à la naissance ou, plus tard dans la vie, certains cancers cérébraux et sanguins, mais aussi de présenter des troubles cognitifs ou neuro-comportementaux (atteinte de la mémoire de travail, troubles de la motricité fine). Encore ne s’agit-il que des effets documentés avec un haut niveau de confiance – nombre d’effets soupçonnés n’ayant pas fait l’objet de suffisamment de recherches.
Ces risques sanitaires sont-ils pris en compte par le législateur ? Des représentants d’Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) présentaient, jeudi 3 juillet, au cabinet de la ministre de la santé, Marisol Touraine, leurs doléances sur la question. En particulier, l’association proteste contre les conclusions d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), rendu fin juin, qui doit servir de support à une possible évolution de la réglementation en matière de restriction des traitements.
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L’Anses s’estime incapable de proposer, « sur une base purement scientifique », la prise de mesures générales pertinentes. L’AMLP proteste contre cette approche qu’elle juge insuffisamment protectrice (non-prise en compte des effets à faible dose sur la femme enceinte et les jeunes enfants mis en évidence par l’Inserm, etc.).
« REGARD RÉTROSPECTIF »
L’Anses objecte que « la plupart des molécules mises en cause dans l’expertise de l’Inserm ont été retirées du marché » et que celles qui demeurent utilisées « sont en cours de réévaluation ou ont vu leurs seuils acceptables abaissés ». Pour l’Union des industries de la protection des plantes, le retrait de ces molécules est « le signe que le système fonctionne bien ».
« Cela montre au contraire qu’il y a un gros problème dans l’évaluation des risques avant autorisation. Les produits aujourd’hui sur le marché n’ont pas été mieux évalués que ceux qui se sont avérés dangereux et qu’on a dû retirer », proteste le docteur Pierre-Michel Périnaud, porte-parole de l’AMLP. Il ajoute : « L’épidémiologie ne fait que porter un regard rétrospectif sur les dégâts sanitaires qui se sont déjà produits : ne se fier qu’à elle, c’est être certain d’avoir une guerre de retard. »
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