Les autorités n’assument pas leurs responsabilités en matière de santé publique

Alors que les liens entre exposition aux pesticides et maladies telles que cancer, troubles neurologiques et de la reproduction ont été mis en évidence par des études toujours plus nombreuses, les autorités, clairement, n’assument pas leurs responsabilités en matière de santé publique.

Tout d’abord, l’information scientifique fait défaut. Les données sur l’exposition des travailleurs aux pesticides sont lacunaires et il n’existe en France aucune structure chargée de les produire, indique l’Anses. De plus, une partie des données existantes n’est pas accessible car produite par les firmes agrochimiques pour leurs dossiers d’homologation et soumise à des exigences de confidentialité.

Evaluation défectueuse

Ensuite, les autorisations de mise sur le marché reposent sur une évaluation défectueuse des risques. Les évaluations font ainsi appel à des études réalisées par les fabricants de pesticides, qui n’ont généralement pas donné lieu à publication scientifique et dont les bases méthodologiques sont souvent fragiles. Par ailleurs, les procédures de validation au sein des comités d’experts ne sont pas transparentes, ce qui interdit le débat contradictoire au sein de la communauté des chercheurs et au-delà.

Les conflits d’intérêts sont très présents au niveau du conseil aux agriculteurs

Outre l’homologation, les conflits d’intérêts sont également très présents au niveau du conseil aux agriculteurs. Une grande partie des activités de conseil pour réduire les risques liés à l’usage des produits de traitement est assurée par des professionnels qui les vendent et les prescrivent.

Enfin, critique l’Anses, la politique de prévention tend à se résumer à la question du port d’équipements de protection individuelle, alors que selon les principes généraux de la prévention inscrits dans le code du travail, il s’agit d’une mesure de dernière intention. Au passage, l’efficacité de ces équipements est mal évaluée et la réalité des conditions de travail mal prise en compte.

Aussi, la conclusion s’impose : une meilleure protection des travailleurs passe impérativement par une réduction de l’usage des pesticides, fait observer l’Anses. Qui souligne à ce titre le manque d’ambition du plan Ecophyto adopté l’an dernier 2. Celui-ci, par des applications plus fines et sélectives, pourrait permettre théoriquement de réduire (un peu) les doses, au bénéfice de l’environnement, mais pas l’exposition des travailleurs.

  • 1.Les principales conclusions de ce rapport avait été dévoilées par le magazine Santé & Travail dans son numéro d’avril 2016.
  • 2.Voir « Pesticides, tout reste à faire », Alternatives Economiques n° 343, février 2015.