Alors que la Belgique vient de confirmer, avec sagesse, sa sortie du nucléaire en 2025, la France rempile dans la folie nucléaire pour des dizaines d’années avec le « grand carénage » dont le coût officiellement annoncé est déjà de 100 milliards d’euros d’ici 2030. En même temps (sic), l’Autorité de Sûreté Nucléaire [ASN] est ouvertement contestée… Alors, adhérez à la CRIIRAD ! 25 AVR. 2018
Lettre mensuelle CRIIRAD – N°46 – Avril 2018 (extrait)
Audition Parlementaire de Roland Desbordes du 5 avril
L’actualité ayant mis en évidence des failles dans la sécurité des installations nucléaires, une commission parlementaire a été créée pour tenter de « faire le jour » sur ces questions. Roland Desbordes* a été sollicité pour être auditionné. Les problèmes liés aux équipements sous pression ont été mis en évidence. Il est admis qu’ils ne doivent pas présenter le moindre défaut. Leur rupture entraînerait un accident grave à cinétique rapide, scénario actuellement exclu des études de danger.
La CRIIRAD a étudié les informations diffusées par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) et les exploitants (voir notre TU n°75). Ce travail a été complété en vue de l’audition : le constat est alarmant, non seulement pour l’EPR, présenté pourtant comme un modèle de sûreté, mais aussi pour des milliers de composants (eux aussi essentiels pour la sûreté) qui ont été installés sur des réacteurs en fonctionnement, et cela depuis plus de 10 ans.
Les exploitants sont bien sûr responsables de cette situation, mais nous avons pu aussi prouver que l’ASN, notre «gendarme», n’était pas indemne de tout reproche. De ce travail qui met à jour des dysfonctionnements, des dissimulations, voire des falsifications, on peut conclure à une vraie faillite de notre système de contrôle pourtant vanté comme exemplaire. Quelques questions des députés ont également élargi les échanges aux problèmes d’information du public, de Cigéo,…
* Actuellement, Roland Desbordes, physicien, préside le Conseil d’Administration de la CRIIRAD.
Mme Barbara Pompili, rapporteure. Il nous a d’ailleurs été fait remarquer que les opérateurs et les experts de l’ASN sortaient tous des mêmes écoles et des mêmes milieux…
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.Forcément…
Mme Barbara Pompili, rapporteure. Ils parlent le même langage. Il y a donc certainement un travail à faire pour que les experts aient des origines plus diversifiées.
Le grand carénage ne concerne pas les piscines
Il importe de souligner que le « grand carénage » ne concerne ni les déchets (un souci pour un million d’années) ni les piscines qui ne sont pas protégées contre le risque terroriste. C’est un problème éminemment grave que la CRIIRAD avait soulevé bien avant la vague terroriste des dernières années.
Mme Barbara Pompili, rapporteure. (…) la conception d’un réacteur ou d’une piscine ne peut plus se faire en pensant simplement au risque d’inondation ou de malfaçons : il faut intégrer les effets d’attaques malveillantes.
M. Nicolas Hulot, ministre. (…) je ne dispose pas à ce stade d’une estimation du prix d’une « bunkérisation » des piscines de refroidissement des combustibles nucléaires. Mes services estiment qu’une telle étude n’est pas utile, car nous sommes convaincus que la bunkérisation des piscines n’est pas une solution aux problématiques de sécurité.
(…)
Mme Barbara Pompili, rapporteure. S’agissant de la nouvelle piscine d’entreposage dont la construction est envisagée, avez-vous des estimations quant à son coût ?
M. Nicolas Hulot, ministre. Rien de précis à ce stade.
(…)
Mme Sonia Krimi. Les habitants du Cotentin, dont vous avez parlé, ont légitimement droit à la mise en sûreté des combustibles actuellement entreposés dans les quatre piscines de l’usine de la Hague. Les quatre usines contiennent à peu près l’équivalent de 108 cœurs de réacteurs, soit une moyenne de vingt-sept cœurs par piscine, le tout recouvert par une simple structure métallique. Cette conception constitue l’un des plus grands problèmes de l’industrie nucléaire civile, tant à la Hague que chez EDF. L’ASN ainsi que l’exploitant EDF estiment que les piscines d’Orano seront très rapidement saturées dans les prochaines années.
(…)
M. Nicolas Hulot, ministre. Nous aurons probablement besoin de sites d’entreposage futurs, car les piscines sont saturées, mais au moment où je vous parle il n’y a pas eu d’arbitrage. Nous attendons des propositions des opérateurs et nous commençons à peine à en parler avec EDF.
Mme Barbara Pompili, rapporteure. (…) Ce matin, vous nous avez fourni des photos de tests effectués sur des bétons, à la suite des interrogations soulevées dans le rapport de Greenpeace, ce dont je vous remercie. Les bétons testés provenaient-ils de bâtiments entourant des réacteurs ou des piscines ? La réponse qui m’a été apportée ce matin ayant été très floue, je repose la question. Comme vous le savez, les questions récurrentes de Greenpeace mettaient en cause moins la vulnérabilité des bâtiments des réacteurs que celle des bâtiments des piscines. Question subsidiaire : si la nouvelle piscine est créée, doit-elle être bunkérisée ?
M. Nicolas Hulot, ministre. Pour le moment, je ne dispose pas des informations qui me permettraient de répondre à votre dernière question.
Une note d’espoir tout de même, car le Ministre évoque l’hydrogène renouvelable
M. Nicolas Hulot, ministre. Je suis convaincu que l’intermittence* ne sera bientôt plus un problème, ne serait-ce qu’en raison de la combinaison de la diversité de sources d’énergie renouvelables avec la biomasse, le gaz naturel et les réseaux intelligents – notamment les smart grids**. Il faut aussi compter avec le développement à l’échelle industrielle de technologies qui sont déjà dans le paysage : Il faut aussi compter avec le développement à l’échelle industrielle de technologies qui sont déjà dans le paysage : je crois beaucoup à l’hydrogène, à d’autres capacités de stockage et (…). Au passage, je fais le vœu que l’Europe – notamment la France associée à l’Allemagne – développe un projet dimensionné pour que nous ne soyons pas dépendants en termes de mobilité et (…). Pour moi, l’intermittence* n’est en aucun cas un frein, grâce à l’hydraulique mais aussi au développement de nombreuses techniques de stockage.
*Parler d’intermittence, c’est faire référence aux sources d’énergies renouvelables dont la production dépend des aléas météorologiques.
** Les smart grids est une expression pédante (comme le smartphone) pour désigner simplement un réseau qui optimise la production, la distribution, la consommation pour mieux mettre en relation l’offre et la demande d’électricité.