Notre-Dame-des-Landes : combien de Floranges ? passer en force ou relancer l’enquête publique?

La loi sur l’eau compte un ensemble de règles que les comités de bassin, composés d’élus, adaptent selon les circonstances locales, en vue de protéger l’eau et les écosystèmes afférents. Ce sont des règles de gestion collective des ressources et des écosystèmes. La finalité est d’éviter l’artificialisation des sols, et de protéger les zones fonctionnellement importantes en termes de biodiversité. 10 DÉCEMBRE 2012 par PAUL JORION  par Peer Qvist  invité.
 Passant outre la loi sur l’eau, le pouvoir a le choix de passer en force ou relancer l’enquête publique

Voilà dit en deux mots. Pour un exposé plus détaillé, voir ici.

Dans ce cadre, concernant le projet dit « Notre-Dame-des-Landes », le constat est sans appel : si les « experts indépendants » restent à la hauteur de leur titre et ne renoncent pas à leurs responsabilités (ce qu’une commission a pourtant déjà fait en refusant de se prononcer), l’artificialisation des sols liée à la création de l’aéroport devra être compensée par une surface de près du double, 98 % des sols touchés étant en zone humide.

À ce jour, Notre-Dame-des-Landes, en projet c’est :

– 537 ha aménagés à la mise en service de l’aéroport, envisagée pour 2017

– 467 ha destinés aux mesures de compensation environnementale

– 239 ha de surfaces aménageables pour des extensions de l’aéroport et la
création de zones économiques

Avec une emprise foncière d’environ 700 ha (en comptant les aménagements ultérieurs), et à ce jour 496 ha prévus en compensation, les chiffres paraissent irréalistes. On en trouvera les détails dans le rapport de la commission d’enquête au titre de la loi sur l’eau et ses conclusions.

La compensation de 700 ha ne suffira pas si l’on pense aux terrains discontinus censés compenser petit bout par petit bout les surfaces détruites (notamment les bandes étroites longeant les pistes…). Il ne faudra en fait pas loin de 1400 ha pour remplacer ces sites écologiques exceptionnels. Voilà l’enjeu des « zones humides ».

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a toutes les chances d’être jugé non conforme au titre de la loi sur l’eau : il saute aux yeux que la méthode de compensation retenue est bancale. 186 ha d’emprise routière, comprenant de nombreux échangeurs, ainsi qu’un parking de 7000 places de plain-pied, cela finit par prendre beaucoup de place…

Si fin mars 2013 tous les textes autorisant les travaux n’ont pas été publiés, l’enquête publique, qui aura atteint deux ans à cette date, ne pourra plus servir de base légale à ces travaux, et le processus devra être renouvelé.

Et en janvier 2018, la concession débute… Si le concessionnaire (Vinci) ne peut opérer, il est fondé à exiger des compensations financières du concédant : la collectivité locale… Tout cela peut alors revenir très cher…

Il y a pour le pouvoir a deux options :

1/ Passer en force en faisant débuter les travaux sur une base juridique contestable.

Lorsqu’un jugement invalidant cette base juridique aura été rendu, la collectivité devra verser des indemnités importantes. Mais la justice administrative n’ordonnant pas la déconstruction a posteriori, l’aéroport aura bel et bien vu le jour. Ici aussi, cela ne sera pas pour rien.

2/ Relancer une enquête publique de deux ans et revoir les méthodes de compensation au titre de la loi sur l’eau.

L’impossibilité d’une compensation appropriée apparaîtra inévitablement au grand jour. Il faudra soit verser des indemnités très élevées pour acquérir les terres agricoles nécessaires à la compensation soit verser des indemnités à Vinci pour redimensionner le projet à la baisse. Ce qui risque de coûter un os…

Les questions écologiques vont une fois de plus se régler à coup de chèques libellés en millions. Comme si les compensations monétaires pouvaient indéfiniment remplacer le capital naturel et ce qu’il nous apporte. Les inondations à prévoir dans la zone, pourront-elles, par exemple, être épongées par des liasses de billets ? Nul doute hélas que l’expérience sera tentée…

De ces deux options, laquelle aura la préférence du pouvoir ? Poser la question, c’est malheureusement y répondre. Détail curieux à ajouter au dossier : des préfets ayant sur place procédé aux expropriations sur le projet, l’un est responsable « Aéroport Grand Ouest » chez Vinci, un autre est directeur de cabinet du Ministre de l’Intérieur.

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(*) Petit exercice : Comparer le prix d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes et Florange.

Deux chiffres circulent : l’un, conservateur, de 600 millions d’euros pour l’aéroport hors dessertes routières. Avec les dessertes, ce coût se rapprocherait de 1,5 milliards, les détracteurs vont jusqu’à 2 milliards. Le Canard Enchaîné en 2008, selon Wikipédia, évoquait 4 milliards.

En tout état de cause, le chiffre mentionné ne comprend pas :

– L’acquisition de terrains en quantité suffisante pour compenser au titre de la loi sur l’eau

– Toute compensation au concessionnaire pour retard ou éventuel redimensionnement à la baisse du projet.

Tenons-nous en à deux milliards d’euros. L’estimation du coût d’un contrôle public de Florange fluctue selon les sources entre 600 millions et 1 milliard d’euros.

Avec un coût pour Notre-Dame-des-Landes de 600 millions et Florange, 1 milliard, un NDDL vaut 0,6 Florange.

Avec un aéroport à 2 milliards et un Florange à 600 millions, on passe déjà à 3,3 Floranges.

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