L’association Moruroa e tatou s’inquiète du risque d’effondrement de l’atoll de Moruroa. Un rapport du ministère de la Défense vient de paraître et l’association parle de “cataclysme” et de possible “pollution radioactive de l’océan”. Jenny Hunter Publié le mardi 07 août 2012
Dans un rapport de la Défense qui vient d’être communiqué aux autorités locales, le risque d’effondrement de Moruroa est mis en exergue: “On nous parle d’un probable cataclysme avec des répercussions plus considérables”, rapporte Moruroa e tatou
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“Avant on nous parlait d’un glissement d’une loupe sur la pente externe océanique. Aujourd’hui, selon un nouveau rapport, on nous parle d’un probable cataclysme avec des répercussions plus considérables. Ce n’est plus du tout la même chose. Ce n’est pas juste une vaguelette qui va nous mouiller les pieds”, s’inquiète l’association Moruroa e tatou à propos des failles de l’atoll de Moruroa.
Jenny Hunter
À l’occasion de l’anniversaire du bombardement d’Hiroshima, le président de l’association Moruroa e tatou fait le point sur le nucléaire en Polynésie française. Avec Bruno Barrillot et certains membres de l’association, Moruroa e tatou a développé plusieurs sujets : le rapport 2010 relatif à la surveillance radiologique et géométrique des sites de Moruroa et Fangataufa rendu public récemment ; le rapport sur l’étude des denrées alimentaires de base à Hao ; la modification de la loi Morin et enfin les derniers jugements devant les tribunaux en mai dernier.
Le premier point n’est pas des moindres. Il s’agit tout de même du risque d’effondrement de Moruroa. Et pas d’uniquement un petit bout de récif comme le laisser entrevoir le ministère de la Défense. En effet selon Bruno Barrillot, “avant, on nous parlait d’un glissement d’une loupe sur la pente externe océanique. Aujourd’hui, selon un nouveau rapport, on nous parle d’un probable cataclysme avec des répercussions plus considérables. Ce n’est plus du tout la même chose. Ce n’est pas juste une vaguelette qui va nous mouiller les pieds”. L’association craint une “dilution dans le milieu océanique des matières nucléaires contenues dans les cavités des 13 tirs souterrains dont huit sont de l’ordre voire plus puissants qu’Hiroshima qui ont été effectués sous les zones Camélia et Françoise. Ce serait une pollution radioactive de l’océan complètement inédite et difficilement évaluable”.
Le rapport 2010 de surveillance de l’évolution géomécanique de l’atoll de Moruroa, daté du 29 mars 2012, a été communiqué, le 11 juin dernier, aux autorités locales.
Le rapport indique à la page 28 : “Les valeurs des vitesses déduites des mesures de déplacement des câbles (dont les profondeurs d’ancrage sont comprises entre 129 et 319 mètres), ne présentent pas d’évolution notable en 2010. Elles restent, en moyenne, inférieures à 0,5 mm/mois pour l’ensemble des mesures issues des FIL. Elles étaient de l’ordre de 2 mm/mois en 1996. En zone Françoise, les mesures, issues du câble à 45° implanté dans le forage incliné au PK 10, ne sont plus utilisables depuis fin 2004. Les dernières données mesurables indiquaient une vitesse de 2 mm/mois. Les mesures des capteurs de la zone Camélia (FIL 8.30 et 8.40) indiquent des vitesses très faibles (<0,2 mm/mois). Ces vitesses, apparemment plus faibles que les mesures dans les autres zones, pourraient cependant être sujettes à caution. Elles pourraient s’expliquer par le fait que toute cette partie du platier serait en mouvement, embarquant avec elle toute l’instrumentation des FIL 8.30 et 8.40 dans un mouvement de “corps rigide”. Elles représentent alors des mesures différentielles du déplacement des câbles entre les têtes de puits et leur ancrage”.
En clair, comme Moruroa e tatou l’explique, cela signifie qu’une catastrophe, naturelle et écologique, pourrait survenir. L’association parle même de risque sismique qui pourrait toucher durement les atolls avoisinants comme Tureia.
Aussi, Moruroa e tatou n’en démord pas : “Il serait temps d’exiger que des scientifiques indépendants soient autorisés à faire une expertise complète sur les risques environnementaux causés par les expériences nucléaires de Moruroa et de Fangataufa”. Elle explique au passage que le fameux rapport est trop “discret” à son goût.
De Hao à la loi Morin en passant par les décisions de justice
Quant à l’atoll de Hao, Moruroa e tatou revient sur le rapport du ministère de la Défense. Elle fait remarquer que la “révélation des pollutions aux métaux lourds et autres produits nocifs n’a rien d’étonnant”. “Nous avons toujours dit que le ministère n’avait rien vu, rien mesuré. Pendant des années, Hao a été un laboratoire. Aujourd’hui, la population de Hao et ses générations futures sont en droit d’avoir l’assurance que leur atoll est exempt de toute trace radioactive et qu’il y sera remédié, comme pour les autres pollutions, au cas où subsisteraient des zones contaminées sur son sol, dans son lagon, commente Roland Oldham. Je trouve quand même cela dégueulasse qu’on nous donne soi-disant de l’argent et après qu’on nous dise de nous taire. C’est du chantage de l’État depuis le début du nucléaire dans notre pays. Maintenant, il faut nettoyer tout cela. En revanche nous sommes opposés à ce que ce soient des jeunes inexpérimentés qui procèdent à cette décontamination. C’est à l’État de gérer ce problème.”
Concernant la loi Morin, une fois de plus l’association s’indigne. “Cette loi n’indemnise rien du tout. La France ne reconnaît rien. Nous rappelons aux hommes politiques leur promesse électorale. Il faut arrêter de s’occuper que des élections. Il faut maintenant s’occuper de ce gros problème”, explique Roland Oldham. Aujourd’hui, il attend beaucoup de l’État français et souligne que si rien n’est fait “les actions se radicaliseront davantage”.
Selon l’association, il faut une véritable réforme car la loi Morin est considérée comme “un échec”. Il en appelle au Premier ministre. Moruroa e tatou souhaiterait le rencontrer afin d’évoquer le dossier. “Moruroa e tatou demande qu’une réunion de concertation soit organisée avec le gouvernement central afin de discuter de plusieurs points”, souligne John Doom, de l’association.
Enfin, l’association est revenue sur les dernières décisions de justice concernant d’anciens travailleurs de Moruroa au mois de mai. Pour son président, toutes les décisions “sont inacceptables”. “On veut nous faire avaler n’importe quoi. On nous dit qu’on a gagné puis on nous dit que, tout de même, il faut faire de nouvelles expertises pour que les anciens travailleurs soient indemnisés. C’est n’importe quoi. L’État a commis une faute et il faudrait réparer tout cela. Mais au lieu de cela, on nous demande des énièmes expertises alors que souvent les gens sont déjà morts. La justice est injuste“, réplique Roland Oldham. Il espère que le Premier ministre les reçoive au plus tôt.
Jenny Hunter