INÉDIT et EN DIRECT: Enquête sur le recours massif à la sous-traitance dans le secteur du nucléaire. ll y a un an, la catastrophe de Fukushima confrontait les autorités françaises à la question du risque nucléaire. Mais l’audit engagé depuis dans les centrales du pays le plus nucléarisé du monde, par rapport au nombre d’habitants, omet un facteur majeur : l’utilisation massive de la sous-traitance.

ENTRETIEN AVEC ELSA FAYNER, JOURNALISTE ET RÉALISATRICE

Elsa Fayner : Je suis journaliste, spécialiste des conditions de travail, et cela fait quatre ans que j’enquête sur la sous-traitance dans le nucléaire. C’est un sujet qui m’inquiète depuis un moment, notamment le problème de la dilution de la responsabilité et de la transmission des informations, puisque les travailleurs sont de passage. Après la catastrophe de Fukushima, avec la société de production Chasseur d’étoiles, nous avons voulu savoir comment ce problème humain est pris en compte en France dans l’évaluation du risque nucléaire. Pourquoi les médias français n’en parlent-ils pas davantage ?
E. F. : D’abord, il est difficile d’obtenir des images. Par ailleurs, même s’il existe une volonté de transparence de la part des centrales, les rapports d’accidents sont très techniques et complexes. On ne peut les comprendre sans se les faire traduire. Enfin, c’est une question de mentalité, car il y a une grande fierté nationale et technologique concernant le nucléaire. Le discours est très rassurant à la tête de ces entreprises : on cultive la certitude plus que le doute. Cependant, avec la dégradation des conditions de travail, certaines personnes sont maintenant prêtes à parler pour défendre leur secteur.
Quel est l’intérêt du développement de la sous-traitance ?
E. F. : Il est bien sûr économique, car elle est plus avantageuse que le coût des salariés EDF. Mais il y a aussi l’idée d’externaliser le risque social, comme dans beaucoup d’autres secteurs. Quant à la formation des sous-traitants, elle est souvent excellente. Le problème vient des conditions de travail auxquelles on les soumet.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour réaliser ce documentaire ?
E. F. : Le plus compliqué a été de parler avec les exploitants. Ils m’ont cependant orientée vers les « correspondants facteurs humains », ces nouveaux postes créés pour adapter les machines à l’homme plutôt que le contraire. Mais cela n’a pas été possible. Heureusement, nous avons pu rencontrer des inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire et lire leurs rapports. Nous avons également pu poser nos questions aux parlementaires qui mènent leur enquête sur le sujet. Quant à l’Etat, il semble pour le moment plus préoccupé des failles liées aux risques naturels ou terroristes qu’à celles entraînées par les conditions de travail.
Qu’est-ce qui vous a le plus surprise ?
E. F. : Ce qui m’a le plus frappée, c’est qu’il y a peu d’attention portée aux voix de plus en plus nombreuses qui alertent. On n’écoute pas les gens qui critiquent, même les membres de syndicats qui, jusqu’à présent, étaient pro-nucléaires. Dans les stress tests, les exploitants se réfèrent aux protocoles signés avec les prestataires, sans envisager les dysfonctionnements spécifiques de chaque centrale en la matière. EDF a réinternalisé certains métiers rares très qualifiés dont les compétences s’étaient perdues. Mais même si elle n’augmente pas, il n’y a visiblement pas de volonté de limiter la sous-traitance.
Quels sont les véritables risques ?
E. F. : Un incident, précédé par des problèmes de maintenance, peut prendre de l’ampleur. Un accident, c’est souvent un cumul de défaillances qui peut devenir dramatique.
BIO EXPRESS

DURÉE 52’
AUTEURE-RÉALISATRICE ELSA FAYNER
PRODUCTION FRANCE TÉLÉVISIONS / CHASSEUR D’ETOILES
ANNÉE 2012