Les centrales nucléaires dans tous leurs états

Article d’Emmanuelle Chiron paru dans Sud Ouest

Thomas Johnson, le réalisateur du film « La Bataille de Tchernobyl », qui sera projeté demain soir à l’auditorium de la salle Saintonge, revient de Fukushima.

 Alors que l'Allemagne ou le Japon s'engagent dans la fin du nucléaire, un pays produit 80 % de son électricité avec. « C'est le pari fou de la France », dénonce Thomas Johnson.  photo dr

Alors que l’Allemagne ou le Japon s’engagent dans la fin du nucléaire, un pays produit 80 % de son électricité avec. « C’est le pari fou de la France », dénonce Thomas Johnson. PHOTO DR

Thomas Johnson dénonce le silence. Un silence assourdissant dès qu’il s’agit d’évoquer le nucléaire. Le réalisateur de « La Bataille de Tchernobyl » revient justement de Fukushima, au Japon, la dernière catastrophe en date. L’accident a été classé au niveau 7 – le plus élevé – de l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines).

Ce classement le place au rang de l’impact qu’a été, en 1986, la catastrophe de Tchernobyl. « Depuis un peu plus de vingt ans, le monde a connu trois grandes catastrophes nucléaires La première s’est produite en 1979, à la centrale de Three Mile Island, en Pennsylvanie aux États-Unis », explique le réalisateur. Cet événement a été classé au niveau 5 de l’échelle de l’Ines.

Des souvenirs pas si anciensLe voyage de Thomas Johnson à Fukushima a réveillé des souvenirs pas si lointains. « Je ne m’attendais pas à revivre la même chose dans ma vie, raconte le réalisateur. En 1986, quand il y a eu la catastrophe de Tchernobyl, j’étais à Moscou. Je n’ai appris les conséquences et l’importance de la catastrophe qu’en rentrant à Paris trois jours après. Je me suis alors rendu sur place, puis trois ans plus tard et régulièrement depuis vingt ans. »

Au Japon, il rencontre les mêmes personnes qui ont œuvré à Tchernobyl pour endiguer une catastrophe sans précédent. « À Fukushima, on ne sait pas encore si la situation est plus ou moins grave qu’il y a vingt ans, mais les faits sont là : les terres environnantes sont contaminées pour trente, cinquante ans voire plus. » Il se heurte également au même silence qu’en 1986.

« Les autorités ont beaucoup filtré et caché à la population qui vit sur les terres contaminées les conséquences réelles de la catastrophe. Mais depuis, des associations ont vu le jour, elles se renseignent via Internet et d’autres moyens de communication. Ils se battent contre cette désinformation. »

Une situation analogue à Tchernobyl. Un événement que Thomas Johnson voulait sauver de l’oubli. Il l’a ressorti des placards en 2006 avec son film « La Bataillede Tchernobyl » diffusé ce vendredi soir à la salle Saintonge à l’occasion des États généraux pour « un monde vivable » organisés, entre autres, par l’Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (ACDN).

L’occasion de revoir des images d’archives et des témoignages de ceux qui ont participé à cette bataille. « Ils souhaitaient raconter leur vécu, dire ce qui s’était passé pendant les huit mois qui ont suivi l’explosion. »

Des images cachéesThomas Johnson a monté son film en 2006, jour de l’anniversaire des 20 ans de la catastrophe. C’était son combat personnel. « J’ai raconté cette colère qui m’a habité. Quand je souhaitais parler des répercussions à Tchernobyl personne ne me croyait, on ne voulait pas m’entendre. » Les images, il a été les chercher dans une boîte à chaussures, planquée au fond d’une cuisine. Celle du photographe Igor Kostine. Lui aussi a pris dans son objectif plusieurs périodes de Tchernobyl. Un témoignage important.

« Il a couru là-bas pendant des années, il avait tout conservé à l’abri comme bien d’autres dans ce reportage. Ces gens-là ont une forme de résignation, mais également une grande envie de parler, de témoigner. Beaucoup sont morts, d’autres souffrent encore et pourtant, ils ont sauvé l’Europe. »

Thomas Johnson raconte cette bataille. Elle commence la nuit de l’explosion, le 26 avril 1986, à 1 h 23. Pendant huit mois, 800 000 soldats envoyés de tout le bloc soviétique vont tenter de « liquider » la radioactivité, construire le « sarcophage » du réacteur accidenté. Ils vont surtout sauver le monde d’une seconde explosion qui aurait ravagé la moitié de l’Europe.

Et aujourd’hui ? « Aujourd’hui, il y a Fukushima. C’est comme une redite. À l’époque, on disait que les Soviétiques avaient mal géré le nucléaire. Aujourd’hui, au Japon, pays très avancé technologiquement, on ne peut plus se retrancher derrière cet argument. La vraie question à se poser est un débat de société : dans dix voire vingt ans comment veut-on vivre ? Avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ou pas ? »

Thomas Johnson a également réalisé « Nucléaire en alerte ». Ce film a été diffusé au mois de mars 2010 sur France 3.

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