Le nucléaire, source de divergences majeures entre les candidats à l’élection présidentielle

À six jours du premier tour de l’élection présidentielle, les cinq « petits » candidats et des représentants des cinq prétendants à l’Élysée les mieux placés dans les sondages ont croisé le fer  sur le plateau de Mots Croisés. Le nucléaire figurait parmi les thèmes abordés. Par Guillaume Duhamel, Zegreenweb Mardi 17 avril 2012

Le nucléaire, source de divergences majeures entre les candidats à l'élection présidentielle

Treize mois après la catastrophe de Fukushima, qui a relancé le débat sur l’avenir énergétique de la France et a contribué à valoriser l’image des énergies renouvelables auprès de nos concitoyens, les dix participants ont eu l’occasion de rappeler ou de préciser leurs vues quant à l’avenir de l’atome dans nos frontières. Candidat du NPA (Nouveau parti anticapitaliste), Philippe Poutou, dont la prestation haute en couleurs mercredi dernier durant l’émission Des paroles et des actes n’est pas passée inaperçue, a ouvert le bal, appelant à « clairement sortir du nucléaire, […] parce que c’est dangereux ». Une position qu’il a justifiée par l’âge avancé des réacteurs français, qui atteindront leur « date limite de consommation (sic) dans les dix ans qui viennent », par les « risques d’accidents qui se multiplient » et par « la maintenance trop lourde ».Évoquant « un danger pour aujourd’hui et pour les générations qui viennent », M. Poutou a par ailleurs appelé à « investir dans le développement des énergies vertes, parce qu’il n’est pas question de retourner à la bougie », et a plaidé pour « un service public de l’énergie, sous contrôle de la population, menant une politique à la fois sociale et écologiste ».

Marielle de Sarnez (MoDem), elle, a qualifié le nucléaire d’« énergie de transition », qui à terme doit être « remplacé par les énergies renouvelables », domaine dans lequel l’Hexagone a pris du « retard » vu la toute-puissance de l’atome dans le mix énergétique national. C’est « une question extrêmement complexe », a estimé la représentante de François Bayrou, opposée à un remplacement des installations nucléaires par des centrales au charbon pour éviter une flambée des émissions de gaz à effet de serre (GES) incompatible avec les engagements climatiques de la France et qui a en outre insisté sur les économies d’énergie. En la matière, il y a « énormément de progrès à faire, par exemple dans le bâtiment », a-t-elle déclaré, préconisant enfin un renforcement de l’indépendance de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), par exemple en lui adjoignant « des experts européens », parce que « les Français ont droit à la transparence ».

Candidate de Lutte Ouvrière (LO), Nathalie Arthaud a de son côté considéré que « le problème n’est pas la structure de l’atome ou la technologie ». « Le problème, c’est qui gère, qui contrôle, avec quels objectifs et quelles préoccupations. Cette filière est entre les mains d’entreprises qui raisonnent comme n’importe quelle entreprise, c’est-à-dire qu’il faut faire des profits, faire des économies, quitte à s’asseoir sur un certain nombre de contraintes liées à la sécurité », a-t-elle assénéEt de fustiger le « recours à la sous-traitance en cascade, alors qu’on sait pertinemment que c’est le meilleur moyen de perdre le contrôle du processus de production ». À l’instar de M. Poutou, Mme Arthaud a enfin milité pour « un service public de l’énergie, sous le contrôle des salariés, de la population, dans lequel il n’y (aurait) pas un seul intérêt privé, pour qu’on puisse mettre à plat les avantages et les inconvénients de chaque énergie ».


 « Fukushima a rappelé l’exigence de sûreté » (Jean-Marc Ayrault, Parti socialiste)

« François Hollande s’engage à un grand débat sur l’avenir énergétique de la France », a pour sa part rappelé Jean-Marc Ayrault (Parti socialiste), qui a également confirmé les engagements du président du Conseil général de Corrèze de fermer la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), doyenne du parc français construite sur une zone sismique, à l’issue du quinquennat, de poursuivre le chantier du réacteur EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville (Manche) (NDLR : sur lequel l’ASN vient de lever ses réserves)et de réduire la part de l’atome dans la production nationale d’électricité de 75 à 50 % à l’horizon 2025De même, le verdissement d’un million de logements par an via des travaux d’isolation thermique, « source de créations d’emplois », demeure un objectif du grand favori des sondages. « Fukushima a rappelé l’exigence de sûreté, de sécurité. Il faut donc la renforcer », a par ailleurs indiqué le député-maire de Nantes (Loire-Atlantique), selon lequel la question énergétique « doit être traitée à l’échelle européenne », avec une mise en commun des investissements, des moyens de recherche et des moyens d’innovation. Le nucléaire est « à l’évidence un savoir-faire français, mais pas une filière comme les autres », et la filière « doit rester dans le secteur public », a conclu M. Ayrault.

Président-fondateur de Solidarité et Progrès (S&P), Jacques Cheminade, lui, a estimé être « le seul vrai défenseur du nucléaire dans cette campagne » et jugé « surréaliste qu’on parle d’en sortir d’ici dix ou trente ans, si on dit que c’est si dangereux ». Prônant lui aussi « un nucléaire public, mais un nucléaire qui évolue », sachant qu’à ses yeux « le nucléaire ne peut être que citoyen et social » et qu’« on devrait déjà en être à la quatrième génération », celui qui avait aussi brigué la magistrature suprême en 1995 a en outre déclaré que « démanteler Areva (serait) une folie ».

Représentant de Jean-Luc Mélenchon, François Delapierre (Front de Gauche) s’est démarqué de ses contradicteurs. Rappelant l’engagement électoral de l’ancien socialiste, il a en effet appelé à l’« organisation d’un débat public se concluant par un référendum ». « C’est aux Français d’avoir la parole et le pouvoir sur une décision comme celle-ci », a déclaré M. Delapierre, qui a également déploré que le nucléaire ait jusqu’ici été un« domaine réservé du président de la République », malgré les « risques » inhérents à cette énergie et « supportés par toute la collectivité ».


 « Nous sommes sur le Minitel alors que les autres développent l’Internet » (Eva Joly)

Au-delà du débat sur le nucléaire, c’est « la capacité à avoir une transition énergétique, à protéger l’environnement et à assurer le bien-être collectif » qui est en jeu, a de son côté déclaré le candidat de Debout la République Nicolas Dupont-Aignan, qui préconise un regroupement d’EDF-GDF Suez sur lequel le contrôle de l’État serait « total », l’objectif étant de « bénéficier de (ses) bénéfices (sic) pour les réinvestir dans les énergies renouvelables ».

Sans surprise, la candidate d’EELV (Europe Écologie-Les Verts) et depuis peu « dame aux lunettes vertes » Eva Joly a pour sa part fait de la sortie du nucléaire « un devoir absolu ».Jugeant celle-ci envisageable d’ici deux décennies, l’ancienne magistrate est également revenue sur son escapade à Fukushima, égratignant au passage le « président-candidat » qui, lui, n’a pas fait le déplacement et soulignant notamment qu’ « aujourd’hui au Japon, l’équivalent de trois fois la Corse n’est pas cultivable ». « L’atome détruit la vie », a résumé Mme Joly, pour qui « nous sommes sur le Minitel alors que les autres développent l’Internet ». Interrogée sur l’accord conclu avec le Parti socialiste dans lequel, fatalement, ne figure pas son objectif d’exclusion de l’atome du bouquet énergétique français, elle a enfin dit compter « sur M. Hollande pour aller dans (le sens d’une sortie du nucléaire) plus vite qu’il ne le dit aujourd’hui ».

Porte-parole de Nicolas Sarkozy et ci-devant ministre de l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet a quant à elle une nouvelle fois raillé les divergences au sein de la gauche sur le dossier du nucléaire, lequel ne doit selon elle « pas être l’otage de considérations et d’accords partisans ». De même, « le nucléaire n’est pas un sujet de religion, c’est juste un sujet sérieux (sic) » et il est de son point de vue impossible de « faire comme s’il ne faisait pas partie de notre patrimoine national ». Et « NKM » d’« abouber » une nouvelle fois l’ASN, laquelle « prescrit un certain nombre de travaux et de nouvelle mesures de sûreté » qui doivent être prises. Quant au Grenelle de l’environnement, il a fait augmenter la part des énergies propres dans la production nationale de l’électricité de 9 à 13 %, a souligné l’ex-locataire de l’Hôtel de Roquelaure.

Représentant de Marine Le Pen, dont il est actuellement le directeur de campagne, Florian Philippot (Front National) a enfin estimé que le nucléaire n’est « pas un sujet essentiel »et « n’intéresse pas les Français ». La gauche et la droite « essaient de se différencier »sur la question du nucléaire, mais en réalité « personne ne l’arrêtera, ni ne fera de référendum », a-t-il prédit. L’atome permet en effet d’avoir une électricité moins chère, fait partie de l’indépendance énergétique de la France et constitue un vivier d’emplois qu’aucun président ne sera enclin à sacrifier, a ajouté M. Philippot, qui s’est en l’occurrence montré pour le moins expéditif. L’avenir nous dira s’il est ou non un piètre devin.

Crédits photos : flickr / Gilles FRANCOIS – Jean-Marc Ayrault – Matthieu Riegler

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