Par : Alicia Prager et Claire Stam | EURACTIV.com | translated by Marion Candau Avril 2019

En s’exprimant sur la classification des actifs durables, le Parlement européen vient d’exclure l’énergie nucléaire, les combustibles fossiles et l’infrastructure gazière de la taxonomie du financement vert proposée par l’UE. L’objectif de cette terminologie vise à transférer les investissements des industries polluantes vers les technologies propres.
Le Parlement européen s’est exprimé sur une proposition de classification des actifs durables, et a choisi d’empêcher l’énergie nucléaire d’obtenir le sceau d’approbation écologique des marchés financiers.
Pour éviter le « blanchiment écologique », le texte du Parlement demande aussi aux investisseurs de déclarer si leurs produits financiers ont des objectifs durables, et le cas échéant, si le produit est cohérent avec la classification des actifs écologiques de l’UE, ou taxonomie.
Si les activistes ont salué l’initiative, ils regrettent toutefois que la classification votée par les eurodéputés soit trop limitée et ne s’applique qu’à des actifs écologiques identifiables, comme les sociétés d’énergie solaire et éolienne.

L’UE appelle à plus de transparence dans la finance verte
Les ministres des Finances veulent des règles de transparences plus strictes pour le financement de la lutte contre le réchauffement climatique.
« Liste marron » rejetée
Les législateurs ont aussi rejeté un amendement proposant de publier une liste « marron » pour dénoncer les investissements néfastes pour l’environnement.
Kristina Jeromin, responsable du groupe développement durable à la Deutsche Börse, aurait aimé voir une approche plus ambitieuse, mais le processus n’en est qu’à ses balbutiements, estime-t-elle.
Selon elle, le montant nécessaire pour déplacer les marchés financiers ne peut être stimulée qu’en adoptant une taxonomie commune.
« C’est un processus majeur et une telle classification européenne n’aura pas d’effet immédiat sur le marché à court terme », souligne-t-elle avant d’insister que les acteurs de la finance ont besoin d’une pression plus forte de Bruxelles pour faire bouger les choses.
Manque d’ambition
Pour Sébastien Godinot, économiste au Bureau de politique européenne chez WWF, la proposition du 28 mars manque d’ambition.
« Pour obtenir plus d’investissements durables, les investisseurs, les entreprises et les banques doivent savoir à quel point les activités économiques sont bonnes ou mauvaises pour l’environnement. Au lieu de cela, la classification ne révèlera que celles qui sont positives », regrette-t-il.
Il se réjouit toutefois que des secteurs clés soient exclus de la taxonomie. « Au moins, les eurodéputés ont pris des mesures pour s’attaquer au greenwashing en refusant que les combustibles fossiles et à l’énergie nucléaire soient qualifiés de durables. »
Elena Gentile, eurodéputée italienne faisant partie de l’équipe de négociation du Parlement sur cette loi regrette quant à elle l’absence de critères sociaux dans la classification adoptée par l’hémicycle.
« Nous avons réussi à renforcer les dispositions sur l’atténuation du changement climatique et l’économie circulaire dans le texte. Mais nous n’avons pas pu protéger les aspects sociaux de la nouvelle loi », a-t-elle souligné.
Selon une source de la Commission, la proposition devait se concentrer sur l’environnement, mais inclura une dimension sociale dans un second temps.
Un dossier sensible
Proposée il y a un an, la taxonomie verte est le dossier le plus sensible du projet de la Commission pour une finance durable, qui vise à déplacer les flux financiers vers la décarbonation de l’économie.
En présentant la proposition en mai 2018, le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, soulignait que le financement de la transition énergétique ne pouvait pas se faire uniquement grâce à de l’argent public. Le projet de finance verte de l’exécutif doit donc servir de levier pour sortir le développement durable de la niche dans lequel il est bloqué.

Bruxelles propose des mesures inédites pour la finance durable
La Commission européenne suggère une série de mesures en faveur de l’investissement privé dans les technologies à faible carbone, comme les renouvelables.
Appliquer des principes de finance verte implique toutefois une refonte majeure pour les investisseurs.
« Les institutions financières devront réorganiser leurs structures internes et les adapter à l’objectif de croissance durable », explique Tonia Plakhotniuk, directrice des politiques à l’Association européenne des marchés financiers.
La nouvelle taxonomie de l’UE contribuera à cet égard en stimulant l’offre de produits durables, a-t-elle déclaré à Euractiv. « Et plus il y en aura, plus les clients investiront dans la finance verte ».
La proposition de taxonomie de la Commission a été présentée en même temps que deux autres textes législatifs : un règlement sur les critères de référence pour la réduction des émissions de carbone et un règlement sur les obligations de déclaration. Un accord politique entre le Parlement européen et les États membres de l’UE a déjà été conclu sur ces deux règlements, qui seront adoptés officiellement dans les semaines à venir.
Les pays de l’UE devraient donner leur aval à cette nouvelle taxonomie lors d’un vote au Conseil des ministres de l’UE en avril.