L’USINE NOUVELLE, AVEC REUTERS
PUBLIÉ LE 26/09/2019
Le rapport annuel World Nuclear Industry Status Report (WNISR) a été publié le 24 septembre. Dans cet état des lieux de l’industrie nucléaire, les auteurs alertent sur le coût et la lenteur de l’atome face au défi du réchauffement climatique.
Selon les données collectées par le World Nuclear Industry Status Report (WNISR), jamais les capacités de production d’électricité nucléaire n’ont été aussi élevées. Dans le monde, elles atteignent 370 gigawatts à mi-2019, soit une augmentation de 3,4 % sur l’année passée. Publié mardi 24 septembre, le rapport met surtout en évidence la concurrence des nouveaux générateurs éoliens et solaires face à une énergie nucléaire trop coûteuse et à l’essor trop lent.
Les centrales nucléaires plombées par leur temps de construction
À la mi-2019, les nouveaux générateurs éoliens et solaires augmentaient leur capacité de production plus rapidement que tout autre type d’énergie. Aussi, ils concurrençaient efficacement les centrales nucléaires existantes, même en termes de coûts, indique le rapport annuel sur le statut de l’industrie nucléaire dans le monde (WNISR).
« Il est urgent de stabiliser le climat, le nucléaire est lent », a déclaré Mycle Schneider, principal auteur du rapport. « Il ne répond à aucun besoin technique ou opérationnel que les concurrents sobres en carbone ne puissent satisfaire mieux, moins cher et plus rapidement. »
Le rapport estime que depuis 2009, la durée moyenne de construction des réacteurs dans le monde entier était d’un peu moins de 10 ans, bien au-dessus de l’estimation donnée par l’organisme industriel, la World Nuclear Association (WNA), entre 5 et 8,5 ans. Le temps supplémentaire que les centrales nucléaires mettent à être construites a des conséquences majeures sur les objectifs climatiques, car les centrales à combustibles fossiles continuent d’émettre du CO2 en attendant d’être remplacées.
« Pour protéger le climat, nous devons réduire le plus de carbone possible au moindre coût et dans les meilleurs délais », a déclaré Mycle Schneider.
Le coût du nucléaire grimpe quand celui du solaire dégringole
Le nucléaire coûte également beaucoup plus cher, selon le rapport WNISR. Le coût de la production d’énergie solaire varie de 36 à 44 dollars par mégawattheure (MWh), a indiqué le WNISR, tandis que l’énergie éolienne terrestre coûtait entre 29 et 56 dollars par MWh. L’énergie nucléaire coûte entre 112 et 189 dollars.
Au cours de la dernière décennie, les coûts actualisés, qui comparent le coût total de la construction et de l’exploitation d’une centrale avec celui de sa production, ont baissé de 88% pour le solaire et de 69% pour l’éolien, alors qu’ils ont augmenté de 23% pour le nucléaire.
Les flux de capitaux soutiennent les énergies renouvelables
Les flux de capitaux reflètent cette tendance. Aux États-Unis, la capacité de production d’énergie renouvelable devrait augmenter de 45 GW au cours des trois prochaines années, tandis que le nucléaire et le charbon devraient libérer 24 GW nets.
En 2018, la Chine a investi 91 milliards de dollars dans les énergies renouvelables, mais seulement 6,5 milliards de dollars dans le nucléaire. La Chine, qui reste le constructeur nucléaire le plus actif au monde, a ajouté près de 40 réacteurs à son réseau au cours de la dernière décennie, mais sa production nucléaire était toujours inférieure d’un tiers à sa production éolienne. Bien que plusieurs nouvelles centrales nucléaires soient en construction, aucun nouveau projet n’a démarré en Chine depuis 2016.
Avec la capacité d’énergie renouvelable en augmentation rapide, la part du nucléaire dans la production mondiale brute est restée légèrement supérieure à 10%. D’ici 2030, 188 nouveaux réacteurs devraient être connectés au réseau pour maintenir le statu quo, soit plus de trois fois le taux atteint au cours de la dernière décennie, estime le WNISR.
La World Nuclear Association répond aux critiques
Dans un courrier électronique, la WNA a déclaré que des études avaient montré que l’énergie nucléaire fournissait de l’électricité plus rapidement que d’autres options à faibles émissions de carbone. L’organisme industriel argumente également que dans beaucoup de pays, l’atome apporte en moyenne davantage d’énergie décarbonée chaque année par rapport au solaire ou à l’éolien. La WNA a indiqué que les délais de construction des réacteurs pouvaient être réduits à quatre ans lorsque plusieurs réacteurs sont construits en séquence.
En mai, l’Agence internationale de l’énergie a aussi averti Reuters qu’une forte baisse de la capacité nucléaire menacerait les objectifs climatiques, car les économies avancées pourraient perdre 25% de leur capacité nucléaire d’ici 2025.
Avec Reuters (Marton Dunai à Budapest et Geert De Clercq à Paris, Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Sophie Louet)