La lune de miel est bel et bien finie. Les associations veulent un débat ouvert sur le nucléaire et le gaz de schiste lors de la conférence environnementale. Les ONG environnementales ont décidé de placer le gouvernement de Jean-Marc Ayrault » sous surveillance « , pour reprendre le terme utilisé, jeudi 30 août, par Benoît Faraco, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot. Marie-Béatrice Baudet Le Monde 30 Aout 2012
L’éviction, le 21 juin, de la ministre de l’écologie Nicole Bricq – » transférée » au commerce extérieur après sa tentative de stopper temporairement les forages de Shell au large de la Guyane – avait déjà mis fin à l’état de grâce entre les deux parties. Depuis, le climat ne s’est pas amélioré.
Le 22 août, le premier ministre Jean-Marc Ayrault expliquait ainsi sur RMC que » le débat sur l’exploitation des gaz de schiste n’était pas tranché « . Quelques jours plus tard, le 27 août, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, estimait que le nucléaire était » une filière d’avenir « . » Une cacophonie typique de la méthode Hollande, qui vise à ménager tout le monde sans faire un choix clair « , tempêtait alors Greenpeace.
On attendait donc avec intérêt la tenue, mercredi 29 août, au ministère de l’écologie, de la première réunion de travail destinée à préparer la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre.
Certes, comme le ministère l’indiquait – soulagé – avant même la fin de la rencontre, » il n’y a pas eu de morts. Ce fut une réunion classique… « . Pour Delphine Batho, ministre de l’écologie, il était en effet important de garder le contact, voire de jouer l’apaisement. Un exercice compliqué alors que, le matin même, s’exprimant au micro de RMC, elle affirmait son soutien au projet controversé de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, à Nantes, précisant aussi que le nucléaire » est une filière industrielle qui a un avenir, effectivement « .
De quoi attiser la colère des ONG, qui s’interrogeaient, lors d’un déjeuner en commun, deux heures avant la réunion, sur un possible claquement de porte.
Finalement, elles ont décidé de faire passer un message clair à la ministre – une sorte d’avertissement. Dès le début de la réunion, c’est l’ONG Les Amis de la Terre qui s’en est chargée, les autres organisations montrant clairement qu’elles soutenaient cette intervention. » Nous devions manifester notre mauvaise humeur, confirme François Veillerette de Générations Futures, membre de Rassemblement pour la planète, toute jeune fédération d’associations créée début juillet.
Si Delphine Batho avait correctement rappelé à l’ordre Arnaud Montebourg, si elle avait fait davantage entendre sa voix, nous n’aurions pas eu besoin de cette mise au point. Il ne faudrait pas que ce type de réaction tapageuse se répète trop souvent au sein du gouvernement. «
» Delphine Batho n’a pas répondu, elle a adopté la stratégie de « quelqu’un a dit des choses désagréables ? » « , raconte Benoît Hartman, porte-parole de France Nature Environnement, qui rassemble 3 000 associations. » Elle a entendu le message, dit M. Veillerette. La transition écologique n’est pas l’ennemi de l’emploi. Il faut que le gouvernement le comprenne. «
Décidée à renouer le dialogue, Mme Batho a donc accepté – même si l’arbitrage sera confirmé lors d’une prochaine réunion de travail – que les gaz de schiste et le nucléaire seront bien au menu de la conférence environnementale, ce qui n’était pas prévu au départ. » Le nucléaire n’avait pas été inscrit au menu du Grenelle de l’environnement, ce fut une erreur, estime M. Hartman. Il faut parler des sujets qui fâchent, des sujets tabous. C’est comme cela que l’on peut avancer. » » Une fois la colère passée, il faut rester constructif, insiste M. Veillerette. Ne nous laissons pas dévorer par les querelles qui agitent actuellement le PS et les Verts au gouvernement. Les Français attendent de nous plus de responsabilité et des efforts pour faire avancer le dossier majeur de la crise écologique. «
Cinq tables rondes simultanées seront organisées lors de la Conférence environnementale qui rassemblera ONG, syndicats, patronat, élus locaux et parlementaires. La première – qui devrait être la plus houleuse – sera consacrée à la » transition énergétique » et sera coprésidée par Arnaud Montebourg et Delphine Batho. Avec – cela reste à confirmer – Laurence Tubiana, directrice de l’Institut de développement durable et des relations internationales (Iddri), comme » facilitatrice « . Sa tâche ne sera pas simple.
Au cours de l’université d’été du Medef, sa présidente Laurence Parisot a elle aussi indiqué qu' » il était interdit d’interdire les débats, notamment sur les gaz de schiste ainsi que sur le nucléaire « . La patronne des patrons ne cache pas sa volonté de voir » donner une chance à la recherche et à l’innovation technologique. « . En clair à l’exploitation des gaz de schiste.
Marie-Béatrice Baudet