L’aéroport de Notre-Dame des Landes est illégal

La préfecture de Loire-Atlantique et l’Etat s’appuient sur la légalité pour motiver les expulsions des opposants à l’aéroport. En apparence, c’est vrai. Le projet bénéficie de toutes les autorisations légales nécessaires et Vinci est chez lui sur une grande partie des terres. Mais si l’on creuse, non. DUP archaïque, droit de l’eau foulé aux pieds, revue des multiples illégalités du projet. 22/11/2012

http://breizhjournal.wordpress.com/2012/11/22/laeroport-de-notre-dame-des-landes-est-illegal/

« Si la loi sur l’eau est appliquée, le projet d’aéroport coule »

Les 1600 hectares du site du projet d’aéroport se trouvent à cheval sur les deux bassins versants de la Loire et de la Vilaine. Cette zone humide joue le rôle de château d’eau naturel en contribuant à réguler le débit des cours d’eau et à garantir le bon état des masses d’eau, participe à l’interception des pollutions diffuses et favorise la conservation de la biodiversité. La carte des zones humides de Loire-Atlantique se trouve sur le site de la  DREAL Pays de Loire  qui porte, avec Vinci, le projet d’aménagement de l’aéroport. La présence de zones humides sur le site de l’aéroport apparaît très clairement.

Depuis 2010, il existe un schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau(SDAGE) Loire-Bretagne auquel tous les aménagements publics doivent être conformes ; il est valable sur la période 2010-2015. Le SDAGE, document officiel d’urbanisme mis en œuvre par la Préfecture de Loire-Atlantique,  met en application les lois issues du Grenelle de l’Environnement et la directive-cadre sur l’eau (2000/60/CE, modifiée le 16 décembre 2008 par la directive2008/105)

Le SDAGE dispose qu’il faut empêcher toute nouvelle dégradation du milieu et précise « il ne s’agit pas d’interdire tout nouvel aménagement, mais de prévoir des mesures suffisantes pour compenser l’impact négatif des projets (…) lorsque les mesures envisagées ne permettent pas de réduire significativement ou de compenser ces effets, les projets sont refusés ». Or le projet d’aéroport doit mordre dans les zones humides, donc il doit compenser. Comme tout le site est en zones humides, c’est impossible de reconstruire de la zone humide sur de la zone humide, donc Vinci privilégie – aussi pour raisons comptables – une « approche qualitative », en clair, en refaire moins, mais mieux. L’aménagement de l’extension du port Autonome de Saint-Nazaire à la place des roselières de Donges-est privilégiait aussi la « qualité » à la quantité. La commission européenne ne l’a pas entendu de cette oreille et le projet d’extension a été bloqué.

En vert et en orange, les zones humides, en rouge, le périmètre de la ZAD

Dorian Piette, porte-parole d’EELV à Nantes et professeur de droit dans la même ville, nous précise « si la loi sur l’eau est appliquée, le projet coule. Parce que s’il est réformé pour tenir compte du droit de l’eau, c’est deux ans de retard, alors que la concession prévoit que l’aéroport doit ouvrir en 2018 au plus tard ». L’Union Européenne ne permet pas de porter atteinte au principe de la compensation quantitative des zones humides (autant de surfaces recrées que de surfaces enlevées) et que sa vision influence celle des tribunaux. « Et quand bien même les tribunaux français prendraient des décisions contraires à l’esprit de la directive, ce qui est déjà arrivé et ce qui reste possible au vu des implications politiques du projet,  il y aura toujours la possibilité d’un recours devant les juridictions européennes », d’autant plus que les travaux irréversibles ne commencent que à la toute fin 2013.

Par ailleurs, un colloque intitulé « Restauration écologique, quand conserver ne suffit plus », organisé à destination des professionnels du droit et des acteurs publics par France Nature Environnement et Natureparif en avril 2012 a éclairé la formulation de l’article 230 de la loi du Grenelle 2 de l’Environnementdont la formulation restait imprécise. L’article dispose que l’étude d’impact doit comprendre « les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire, et lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs du projet  sur l’environnement ». En clair, ce n’est pas un choix donné à l’aménageur entre trois options, soit éviter, soit réduire, soit compenser. Mais, pour Fabien Quétier, chargé d’études à la société Biotope et l’un des intervenants du colloque, la description d’un processus avec ses étapes obligatoires « Il s’agit d’abord d’éviter les impacts du projet sur l’environnement, de réduire ensuite les impacts qui n’ont pu être évités et enfin – et seulement enfin – de compenser les impacts résiduels ». Le projet de l’aéroport taille dans le vif des zones humides sans chercher à limiter ses impacts. Il apparaît très clairement qu’il ne s’inscrit pas dans les processus légaux rendus obligatoires par les lois du Grenelle de l’Environnement.

Une DUP archaïque

Le projet, bien qu’illégal au vu du droit sur l’eau, est autorisé. Il bénéficie d’une déclaration d’utilité publique de…2008, basée sur une enquête publique encore plus ancienne. L’arrêté autorisant Vinci à engager les travaux, et fixant les indemnités d’expropriation devrait être signé incessamment sous peu par le Préfet. Or, depuis 2008, le droit a bougé. La directive-cadre sur l’eau a été réformée par la Commission Européenne à la toute fin de 2008, transcrite en droit français en 2009, il y a eu le Grenelle de l’Environnement, etc. Donc, si le projet était en règle en 2008, il ne l’est plus en 2012 alors que les travaux n’ont pas commencé. Ce qui légitime, d’après les opposants, une nouvelle enquête publique et donc une nouvelle DUP, soit un retard supplémentaire au projet de 6 à 12 mois.

Etat et Vinci s’accrochent donc au projet actuel, mordicus, le sachant illégal, mais sachant aussi pertinemment que la moindre réadaptation au droit entraînera des retards si importants qu’il faudra revoir la concession et éventuellement abandonner un projet contre lequel la contestation gagne chaque jour en puissance. Contrairement à ce qu’affirment Valls et Ayrault, l’aéroport n’est pas près d’atterrir, alors que des recours ont déjà décollé en escadrille. 

Des recours juridiques multiples

Plusieurs recours ont été déposés. L’un d’eux, contre le décret qui octroie la concession du projet d’aéroport à Vinci, a été rejeté en juillet par le Conseil d’Etat. D’autres sont en cours.

Un recours a été déposé en mars 2012 par le Collectif d’élus Doutant de la Pertinence de l’Aéroport (CédPA) contre le refus du Premier Ministre d’abroger la DUP en raison d’un changement depuis l’enquête publique de 2006 et la DUP du 9 février 2008 des circonstances de fait (rapport CE Delft, prix du baril de pétrole), et de droit (Grenelle 1, Grenelle 2, loi sur l’eau et SDAGE Loire-Bretagne 2010-2015, etc.).  Le jugement devrait intervenir fin 2013.

Un autre recours a été déposé devant la Cour de cassation contre les ordonnances fixant les indemnités d’expropriation (pour les propriétaires qui les contestent et qui ont refusé une procédure amiable). Il se fonde notamment sur le respect de la « juste et préalable  indemnité » qui doit être octroyée aux propriétaires expropriés, qui jugent insuffisante l’indemnité d’expropriation.

Un troisième recours a été introduit par le CéDPA et l’ACIPA devant la Commission des pétitions du Parlement européen le 24 octobre 2012 dernier. Ce recours non juridictionnel peut déboucher sur un recours juridictionnel, à savoir une condamnation de la France par la CJUE pour non-respect des directives européenne sur les études d’impact, les directives sur l’eau, les oiseaux et les habitats. Le dossier sera étudié début 2013.

Un autre recours a été déposé par le CéDPA devant le Conseil d’Etat contre le décret en date du 5 avril 2012 instituant le comité de suivi stratégique de la concession de NDDL déposé par le CéDpa (texte). Le Conseil d’Etat devrait se prononcer fin 2013.

Enfin, un recours a été déposé devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH de Strasbourg) pour non-respect du droit à un procès équitable (article 6§1 de la Convention) lors du rejet par le Conseil d’Etat du recours de l’ACIPA contestant le décret prononçant la DUP le 9 février 2010.

De plus, divers recours seront faits devant le tribunal administratif de Nantes dès la parution des arrêtés préfectoraux autorisant les travaux, sur le fondement de la loi sur l’eau et de la destruction des zones humides.

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