La loi de transition énergétique pourrait conduire EDF à fermer jusqu’à un tiers de ses réacteurs français et à réviser son grand carénage, un vaste programme d’amélioration de la sûreté du parc nucléaire, avec un impact annuel de plusieurs milliards d’euros, a estimé la Cour des comptes mercredi. AFP 10 février 2016
La mise en oeuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte est susceptible de remettre en cause les investissements envisagés et d’obliger l’entreprise à fermer un tiers de ses réacteurs, avec des conséquences importantes en termes d’emplois, sans écarter l’éventualité d’une indemnisation prise en charge par l’Etat, souligne la Cour dans son rapport annuel.
Promulguée en août 2015, cette loi plafonne à 63,2 gigawatts (GW) la production d’électricité nucléaire en France, ce qui contraindra EDF à fermer un ou deux réacteurs pour compenser l’entrée en service de l’EPR de Flamanville (Manche), reportée à 2018. La centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) est actuellement désignée.
Elle réduit aussi à 50% la part de l’atome dans la production électrique à horizon 2025, contre 76% en 2015, pour favoriser les énergies renouvelables. Cela réduirait d’environ un tiers la production nucléaire, soit l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs sur les 58 composant le parc français, dans l’hypothèse d’une croissance modérée de la consommation de courant, indique la Cour.
Dans ce contexte, elle juge difficile pour EDF de maintenir en l’état son grand carénage, un programme de maintenance lourde de ses réacteurs estimé par l’électricien à 55 milliards d’euros sur la période 2014-2025. Celui-ci est destiné à améliorer leur sûreté à la suite de la catastrophe de Fukushima (Japon) et à prolonger leur durée de vie au-delà de la limite de 40 ans initialement prévue lors de leur conception.
La Cour estime pour sa part à 100 milliards d’euros le coût de ce programme industriel, sur la base d’un périmètre plus large, sur une période plus longue (jusqu’en 2030).
La perspective de fermeture de plusieurs réacteurs implique la nécessité pour l’entreprise d’élaborer un nouveau programme de maintenance, afin d’assurer que les réacteurs encore en service produisent de l’électricité dans des conditions de sûreté et avec une rentabilité suffisantes, insiste-t-elle.
Des difficultés de formation de la main-d’oeuvre
Selon ses estimations, les enjeux s’élèvent à plusieurs milliards d’euros par an même si aucune évaluation n’a encore été réalisée, ni par l’Etat, ni par EDF, sur les conséquences économiques potentielles de l’application de la loi.
Par exemple, les charges d’exploitation pourraient être réduites de 3,9 milliards d’euros annuels dès 2025, tandis que les pertes de recettes pour EDF pourraient s’élever à environ 5,7 milliards annuels, explique la Cour. Elle précise ne pas avoir tenu compte des effets des fermetures potentielles sur l’emploi et la croissance, ni des éventuelles compensations que le groupe pourrait obtenir de l’Etat, son principal actionnaire.
Les sages pointent d’autres incertitudes pesant sur le grand carénage, qui compte pour une grande part dans les besoins de recrutement de la filière nucléaire, estimés à 110.000 emplois directs et indirects d’ici 2020. Or, ils constatent des difficultés de formation et de disponibilité de la main-d’oeuvre dans certains domaines techniques et une mobilisation des pouvoirs publics qui n’est pas à la hauteur.
Les implications de la loi devront être évaluées dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), que le gouvernement prévoit de présenter d’ici fin février. Ce texte réglementaire doit décliner par type d’énergie (nucléaire, énergies renouvelables, gaz, etc.) les orientations de la loi de transition énergétique.
Le programme industriel détaillé sera mis en cohérence avec la loi, a indiqué le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, dans une réponse publiée dans le rapport.
EDF établira un plan stratégique présentant les actions à mettre en oeuvre pour respecter les objectifs de la PPE, dans les six mois suivant l’approbation de la programmation, a précisé la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal.