Nuage de remontrances sur l’usine de La Hague. POUR la deuxième fois en moins d’un an, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient d’adresser une sévère mise en demeure au groupe Areva, qui exploite l’immense usine de retraitement de déchets radioactifs de La Hague (Manche). En avril, c’était la protection contre les incidents qui laissait sérieusement à désirer. Aujourd’hui, c’est l’état des 60 gigantesques « Cocotte-Minute » utilisées dans le retraitement des déchets radioactifs qui inquiète le gendarme du nucléaire. 16 février 2013 Par Gaiga Kaunta Source : Le Canard Enchainé – Hervé Liffran (mis en forme par Myriam B), 6 février 2013.
Une inquiétude d’autant plus justifiée qu’Areva n’a pratiquement pas tenu compte des résultats – pourtant alarmants – d’une première inspection, effectuée en février 2011, sur les « équipements sous pression » de l’usine. A l’époque, l’industriel avait promis de classer, selon leur niveau de dangerosité, ces appareils qui servent à la séparation des isotopes radioactifs et à leur concentration sous haute température. Areva devait également détailler les mesures de sécurité à prendre pour chacun d’eux. Dans sa mise en demeure, datée du 23 janvier, l’ASN constate qu’il n’en a rien été.
Encore plus ennuyeux aucun de ces 60 engins délicats ne dispose d’un « dossier d’exploitation » où doivent être regroupés les attestations de contrôle, les comptes rendus d’incidents et la liste des travaux d’entretien et des réparations effectuées. En réalité, la société Areva n’a prévu aucun programme d’entretien et de surveillance de ses équipements sous pression nucléaire. « Il semble manifeste que cela soit généralisé », s’agace l’ASN.
Papiers atomisés
Et, en cas de pépin, les ordinateurs sont priés de ne pas tomber en panne, les « dossiers techniques » (qui permettent de consulter les caractéristiques et les plans des machines) n’existant que sous forme électronique. « Il paraît illusoire de ne pas prévoir un exemplaire papier », martèlent les contrôleurs.
Autre promesse non respectée les patrons de La Hague s’étaient engagés, en 2012, à effectuer un exercice de sécurité. Histoire de montrer leur capacité à maîtriser les conséquences d’un accident sur leurs Cocotte-Minute atomiques. Ce sera pour une autre fois…
« Areva se conduit de façon désinvolte », déplore un expert qui collabore aux travaux de l’ASN. Avant d’ajouter « Pour l’instant, cela n’a pas de conséquences, mais, en cas d’incident, non seulement les produits traités sont hautement radioactifs, mais ils pourraient être vaporisés en raison de la haute température… »
La direction de La Hague a désormais jusqu’au 20 février pour transmettre à l’ASN la liste des mesures envisagées. Faute de quoi, elle se retrouverait sous la menace d’une sanction pénale impitoyable en réalité, une amende de troisième classe (soit… 450 euros), infligée par un tribunal de simple police.
Areva risque en fait beaucoup plus gros. A tout instant, l’ASN peut ordonner l’arrêt immédiat des installations dangereuses et le retrait sans préavis de son autorisation d’exploitation. (comme pour le chevalgate?)
Mais la véritable urgence, pour les responsables de l’usine de La Hague, est de rassurer la presse locale. « Les voyants sont au vert », titrait ainsi « Ouest France » (29/1), avant de vanter le « savoir-faire » et des « indicateurs plutôt positifs » mis en avant par la direction du site. Quant à la mise en demeure adressée par l’ASN, elle est expédiée en quelques lignes. Juste le temps d’expliquer qu’il s’agit d’un simple problème de documents qui n’ont pas été transmis à temps ».
Et Fukushima, c’était la faute du facteur?