La Hague face à des défis techniques majeurs, en pleine tourmente d’Areva

De la corrosion trop rapide de cuves ultra-radioactives aux déchets anciens mal emballés, l’usine Areva de la Hague, le plus gros site de traitement du combustible nucléaire en Europe, fait face à des défis majeurs à relever en pleine tourmente financière du groupe.
Dossier le plus urgent, la corrosion des parois de cuves contenant des « résidus » hautement radioactifs dans cette usine de retraitement de déchets nucléaires est « plus rapide que prévu », rappelle Jean-Christophe Varin, directeur de la sûreté du site qui concentre le plus de matière radioactive en Europe. 16 septembre 2016

Le silo 130 de l’usine Areva de Beaumont Hague, le 14 septembre 2016 (AFP/CHARLY TRIBALLEAU)

Ces résidus sont issus des combustibles irradiés dans les centrales françaises, qui convergent tous vers la Hague après usage pour y être retraités.
Les parois de ces évaporateurs ne font plus que 8 à 10 mm d’épaisseur, contre 14 lors de leur mise en service entre 1989 et 1994, avait indiqué l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en février. Le gendarme du nucléaire est en « vigilance renforcée » concernant ces appareils de huit mètres de haut sur trois de diamètre.
Areva a jusqu’à fin 2016 pour lui proposer un système qui permette de surveiller ces parois sur une surface beaucoup plus importante qu’aujourd’hui. Les six évaporateurs, « extrêmement irradiants » selon l’ASN, ne sont pas accessibles à l’homme.
L’industriel, détenu à 86,5% par l’Etat, assure avoir trouvé la solution et promet six nouveaux évaporateurs pour 2021. Mais l’ASN n’a pas encore donné son feu vert aux nouveaux appareils: « le dossier est en cours d’instruction », a indiqué jeudi Hélène Héron, chef de l’antenne de l’ASN à Caen.
Le groupe, en pleine restructuration après cinq années consécutives de déficit, annonce un investissement de 700 millions d’euros sur 2015-2021 dans les évaporateurs. 200 des 5.000 personnes (sous-traitants inclus) qui travaillent sur le site sont mobilisées.
Se mettre aux normes de sûreté post-Fukushima
Autre question très délicate, le reconditionnement de déchets de haute activité emballés entre 1966 et 1998 et qui « ne répondent actuellement pas aux exigences de sûreté », selon l’ASN. Pour le gendarme du nucléaire, « l’enjeu est majeur », « y compris au regard » des difficultés financières d’Areva. D’autant que l’industriel « continue à rencontrer des difficultés techniques certaines » sur certains déchets, selon l’ASN.
Pour le groupe, le dossier avance. Il indique investir 200 millions d’euros dans la reprise d’ici à 2023 des 480 tonnes de déchets d’un des silos prioritaires, le silo 130. La construction du bâtiment prévu pour ce reconditionnement est « achevée à 65% ». Mais l’industriel et l’ASN n’ont pas encore trouvé d’accord sur la date de démarrage des opérations dont Areva a demandé le report, selon l’ASN.
Ce silo ne représente qu’une petite partie du volume de déchets anciens à reconditionner.
Reste que le site de 300 hectares multiplie les chantiers, pour se mettre aux normes de sûreté post-Fukushima, démanteler son ancienne usine de retraitement, à l’arrêt depuis 1998, ou agrandir les halls d’entreposage des déchets, souligne la direction.
Alors que la mise en service du projet de stockage des déchets ultimes français à Bure (Meuse) est repoussée à 2030/2035, la Hague augmente ses capacités d’entreposage des déchets vitrifiés (les plus radioactifs) de 75% d’ici à 2022, comparé à 2015. Ils y sont gardés à 11 mètres sous terre maximum, contre 490 m prévus à Bure. Les murs font 1,6 m d’épaisseur.
Au total, Areva affiche un investissement dans la sûreté et l’évolution des capacités, de 1,6 milliard d’euros sur huit ans (2015-2023), évaporateurs inclus.
S’y ajoutent 4 milliards provisionnées pour le démantèlement d’ici à 2035 de l’ancienne usine et le reconditionnement des déchets anciens.
Côté syndical, on voit surtout les conséquences du plan d’économies de 500 millions d’euros par an dans le groupe. « Avec la réduction des effectifs, on perd des compétences. C’est dangereux », estime Arnaud Baudry de la CFDT. Areva la Hague NC emploiera 2.898 personne fin octobre 2017 contre 3.075 fin août 2015, sans licenciements, selon la direction qui dément tout impact sur la sûreté.
Areva doit bénéficier début 2017 d’une augmentation de capital de 5 milliards d’euros.

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