Janick Magne répond à Thierry Mariani sur la situation de Fukushima

162889_1691069674303_1164593406_31759392_1255268_nJanick Magne, en réaction aux déclarations de Thierry Mariani, député UMP (« droite populaire ») de la 11ème circonscription des Français de l’étranger dans LePetitJournal à l’occasion de sa visite au Japon. « Comment être d’accord avec vous, M. Mariani, lorsque vous dites : « Le changement principal est que Fukushima reste dans les mémoires, mais plus dans les préoccupations. »

Merci à Janick pour cette  réponse au député des français de l’étranger qui  représente bien mal ceux qui vivent au Japon.  A n’en pas douter Mariani a inventé le député « illusionniste » quand Janick aurait pu plus dignement assumer cette fonction lors des législatives de 2012. A la veille des trois ans de la catastrophe de Fukushima ce témoignage prend un relief saisissant. 

« Fukushima reste bien au contraire une préoccupation majeure, les nouvelles qui nous viennent de la centrale de Fukushima-1 n’ont rien de réjouissant et ceux qui suivent l’évolution de la situation ont en commun l’envie de s’éloigner, de quitter le Japon ou d’aller au moins vivre dans une autre région du pays, contrairement à ce que notre député de la 11ème circonscription pense ou voudrait laisser croire. Les problèmes restent multiples et terriblement présents : trois réacteurs éventrés qu’il faut continuer d’arroser en permanence pour que leur température ne dépasse pas 50°, sans que personne ne puisse s’en approcher en raison de la très haute radioactivité qui en émane. L’état et l’emplacement des cœurs en fusion restent parfaitement inconnus :

Premier problème. La gestion des eaux contaminées est une catastrophe.

Comment oublier qu’un véritable marécage radioactif de plus de 90 000 tonnes d’eaux hautement contaminées s’est formé sous la centrale, ne cesse de s’agrandir, et que la nappe phréatique est atteinte ? Comment oublier que plus d’un millier de citernes dans lesquelles une partie de l’eau de refroidissement des réacteurs, mêlée aux eaux naturelles qui se contaminent à leur contact, s’entassent sur le site de la centrale et se sont mises à fuir ? Elles n’ont pas été prévues pour contenir des produits radioactifs et leur durée de vie ne peut pas dépasser 5 ans. On fait quoi, après ?

Deuxième problème. Sur les 7 piscines de désactivation des combustibles usés d’origine, seule la N°4 est actuellement en train d’être vidée de ses 1530 barres de combustibles dans des conditions difficiles. Il y a sur le site de la centrale 2000 tonnes de combustibles usés et la piscine construite pour accueillir en catastrophe les barres en équilibre précaire dans des piscines à 30 mètres de haut au sommet de bâtiments de réacteurs dont les murs et les toits ont été soufflés par les explosions de mars 2011 et qui ne sont plus qu’un enchevêtrement de poutrelles, de tuyauteries et de blocs de béton, cette piscine ne pourra pas accueillir tous les combustibles, on le sait déjà. On fera comment après ?

Troisième problème. Les eaux qui se déversent dans l’océan, qu’elles viennent du sol, des citernes ou des sous-sols de la centrale, polluent d’une manière phénoménale toute la côte et, au-delà, le Pacifique, jour après jour, contaminant inexorablement la faune marine. La pêche est restreinte, certains poissons connaissent des records de contamination, et ça ne s’arrange pas.

Quatrième problème. Sur 350 000 enfants examinés, déjà 59 cas de cancers de la thyroïde.

Une catastrophe sanitaire est en train de se jouer. La contamination au césium entraîne notamment de graves troubles cardiaques, il faut s’y préparer, ça nous pend au nez au Japon.

Cinquième problème. La politique du gouvernement pro-nucléaire japonais, vilement flatté par le lobby nucléaire français, rappelons-le au passage, est de nier l’évidence et d’inciter les évacués à retourner dans leurs villes et villages de la zone interdite tant que l’exposition annuelle n’y dépasse pas 20 millisieverts ! 20 millisieverts/an, c’est la dose maximale pour les travailleurs du nucléaire (sur 5 années consécutives au maximum), et maintenant on nous dit que femmes et enfants peuvent y vivre ?

Sixième problème. Des grandes villes comme Fukushima City ou Koriyama sont contaminées et auraient dû être évacuées.

Savez-vous, M. le député, que la moitié de la population de Fukushima City (300 000 habitants) voudrait évacuer ? Savez-vous qu’on ne sait que faire des millions de tonnes de déblais radioactifs — sols contaminés grattés sur 10 à 15 cm, végétaux etc. — ? Savez-vous que les municipalités de nombreuses villes du département de Fukushima se sont attelées à une immense tâche de camouflage, recouvrant les sacs de déblais de bâches vertes (couleur nature…) ou, pire encore, les enterrant en catimini dans les espaces publics : squares, jardins publics, forêts, cours d’école ? Savez-vous que la main d’œuvre manque pour faire tout cela et que les sacs de déblais radioactifs deviennent des terrains de jeux pour les enfants ? Savez-vous ce qu’on m’a répondu à la mairie de Fukushima lorsque je me suis inquiétée pour la santé des habitants de ces quartiers où traînent pour longtemps encore des sacs contaminés ? « Ce n’est pas notre problème, ils n’ont qu’à aller voir le docteur s’ils sont malades. » Euh… On en est à combien de problèmes, là ?

Sept ? Savez-vous enfin que les fonctionnaires qui m’ont répondu ne répondront plus à personne désormais parce que la loi sur la protection des secrets d’Etat votée début décembre 2013 leur interdit de divulguer …tout et n’importe quoi (la sécurité des centrales nucléaires est passée secret d’Etat) sous peine de passer 10 ans en prison ? Savez-vous qu’un journaliste qui aurait l’audace de divulguer ce type d’information se trouverait condamné à 5 ans de prison ? Bientôt sans doute tout le monde aura appris à se taire au Japon et alors, oui, vous pourrez croire que tout va bien.

60% du césium dans les aiguilles de conifères…. Cycle infernal de re-contamination…. Maisons décontaminées qui se recontaminent dare-dare… Distribution de dosimètres aux habitants quand on réalise que la décontamination ne marche pas… Les boues du réseau fluvial charrient du césium, jusque dans la baie de Tokyo…. Les piscines de désactivation de tout le Japon sont remplies à 80% de leur capacité… Des tremblements de terre constants affaiblissent les structures déjà trop fragiles d’une centrale en ruines, en veux-tu en voilà…. Tout va bien…. Chut…. Redémarrons les réacteurs, allez ! un petit risque en plus ou en moins, qu’est-ce que ça change ?

Non, Fukushima n’est pas sorti de nos têtes, Fukushima et son lot de sales secrets, de maladies, d’exploitation éhontée des travailleurs de la centrale, son lot de catastrophes qui ne demandent qu’à se produire, les enfants de Fukushima contraints de vivre avec la radioactivité, non, Fukushima est toujours là, épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, nos têtes de Français du Japon et nos têtes venues d’ailleurs, tous frères dans le nucléaire. »

http://www.lepetitjournal.com/tokyo/communaute/174871-thierry-mariani-la-communaute-francaise-au-japon-est-plutot-heureuse

Voir aussi

 Akiko Ida libère la parole des enfants de Fukushima face à la radioactivité

 L’article source: 

L’article du Petit journal 16/01/2014

En déplacement au Japon, Thierry Mariani a répondu au Petit journal de Tokyo 16/01/2014 « La communauté française au Japon est plutôt heureuse » Thierry Mariani en visite au Lycée Français International de Tokyo Député des Français de l’étranger pour la 11ème circonscription, Thierry Mariani était en déplacement au Japon du 7 au 14 janvier. Il revient pour Lepetitjournal.com sur ce séjour qui l’aura amené à Tokyo, Kyoto, Osaka, Nishinomiya, Sendaï ou encore Yokohama

Lepetitjournal.com Tokyo : Vous avez tenu au cours de votre séjour plusieurs permanences, que retenez-vous de ce que vous ont dit les Français du Japon lors de ces rencontres ?

Thierry Mariani : J’en retiens que la communauté française au Japon est plutôt heureuse. Les problèmes écologiques sont certes encore présents dans les esprits, mais la page est tournée. Concernant les permanences dans certains pays il y a toujours une dizaine de personnes qui font la queue. Ici il n’y en avait que 2 ou 3 malgré plusieurs relances, cela signifie que la communauté française a, heureusement, peu de problèmes. Parmi eux j’ai retenu la question classique de l’enseignement. Le réseau est bon, l’équipe pédagogique est compétente et les familles sont satisfaites. La seule inquiétude est les frais de scolarité qui, bien sûr, montent, et de l’aide à la scolarité qui, contrairement aux promesses faites par François Hollande, a diminué. Nous avions mis en place avec Nicolas Sarkozy une quasi-gratuité pour les classes de secondes, premières et terminales. Cette dernière a été supprimée et les sommes qui y avaient été affectées n’ont pas été reportées intégralement sur les bourses. Il y a ainsi deux manières de présenter les choses. Si je suis à gauche je peux dire que l’aide sur les bourses n’a jamais été aussi importante, et c’est vrai puisqu’il y avait 95 millions d’euros dans le budget de 2012, 110 millions en 2013 et 118 en 2014. Mais normalement il y aurait dû avoir 125 millions en 2012, puisqu’il y avait 30 millions de prises en charge des frais de scolarité, et il n’y a eu que 110 millions. Ainsi, jamais les bourses n’ont été aussi importantes, mais jamais l’aide à la scolarité n’a autant baissé. Cette année, c’est encore plus vicieux puisque 8 millions ont été retirés du budget de l’AEFE pour être ajoutés aux bourses, c’est-à-dire une somme qui manque pour la rénovation des lycées ou pour les enseignants. En réalité je constate que les expatriés sont un peu délaissés en matière d’enseignement, et qu’il y a un vrai problème de coût de l’éducation parce que, malgré les efforts qui sont faits, de moins en moins d’entreprises prennent en charge les frais de scolarité. Cela amène dans beaucoup de pays à un phénomène de déscolarisation des familles car elles n’ont pas assez d’argent. Cette inquiétude est générale et se retrouve dans toute la région. En Asie-Pacifique l’économie est en croissance, la communauté française grandit, les couples binationaux également. Pour faire face les lycées français qui sont surchargés doivent réaliser des travaux, augmenter les frais de scolarité. C’est un cercle logique qui fait que les frais de scolarité ne vont pas baisser, contrairement à ce qu’avait laissé entendre la Gauche, puisque je rappelle qu’elle avait expliqué pendant la campagne électorale que si les frais augmentaient, c’est parce que la prise en charge des frais de scolarité faisait en sorte que cela grevait les budgets. Le deuxième problème reste celui de la garde d’enfants pour les couples binationaux en situation de divorce, avec notamment un certain nombre de parents français se retrouvent privés de visite. Pour l’instant tout le monde attend la mise en place le 1er avril de la convention de La Haye qui devrait quand même changer les choses, le problème devenant ainsi beaucoup plus compréhensible pour nos homologues nippons. Quels principaux changements avez-vous constatés entre votre dernière visite et celle-ci? Le changement principal est que Fukushima reste dans les mémoires, mais plus dans les préoccupations. Lors de ma précédente visite je me souviens que l’on me parlait de la baisse des effectifs de la communauté française qui allait mettre des années à se reconstituer, des inquiétudes sur l’alimentation ou sur les informations reçues en général, ce qui n’a pas été le cas cette fois-ci. Ce qui est intéressant à noter, c’est que la communauté française expatriée au Japon a augmenté de 24% en l’espace de deux ans avec 9.800 inscrits fin 2013. On m’a également parlé de sujets plus positifs, notamment le souhait de voir revenir le Japon dans le viseur de la France. Il est vrai Jacques Chirac avait une forte attirance, affection et une réelle connaissance pour le Japon, ce qui n’était pas vraiment le cas de Nicolas Sarkozy. Et même si la Chine est désormais un partenaire majeur, il ne faut surtout pas négliger le Japon. Je crois qu’à ce titre le fait que le président François Hollande soit venu lors d’une visite d’Etat est une bonne chose. Cela permet de renouer la relation franco-japonaise que nos amis japonais avaient eu l’impression que l’on négligeait, peut-être un peu à tort.

Que pensez-vous de la réforme de l’assemblée des Français de l’Etranger (AFE) ? J’aurais préféré que cette réforme se fasse calmement et que l’on essaye de chercher un consensus. Pour ma part j’ai voté contre, car elle été faite avec des arrières pensées électorales évidentes, comme c’est toujours le cas lorsqu’une majorité change le mode de scrutin. Il y a toutefois plusieurs points positifs. Tout d’abord les sénateurs seront désormais élus avec plus de grands électeurs. Il y a en avait 155 avant, et 600 désormais. Cela évite que 27 personnes fassent élire un sénateur, ce qui était à mon avis un corps électoral trop réduit. Deuxièmement, si l’on prend la situation précédente, il y avait quatre élus pour toute la Chine, les deux Corées, le Japon, Taïwan et la Mongolie. Désormais les représentations se feront par pays, les élus seront ainsi plus proches du terrain, et donc plus efficaces. Ce que l’on est sûr c’est qu’il y aura au moins trois élus du Japon dans la prochaine assemblée. Point négatif, l’Assemblée des Français de l’étranger qui, à mon avis, avait une réelle utilité, se retrouve un peu décapitée. Elle se réunira beaucoup moins souvent et à effectif réduit, ce qui est une perte de compétence. Ma tournée avait également pour but de réaffirmer mon soutien à Thierry Consigny qui, je pense, a fait un travail très important pendant ces huit années, et a été particulièrement actif au moment de mars 2011.

Quel regard portez-vous sur le nombre croissant de jeunes qui décident de tenter leur chance à l’étranger ? Le rapport de Philippe Marini, Président de la Commission des Finances du Sénat, en 2011, a mis en évidence, sur la base des déclarations de revenus, le chiffre 35.000 foyers fiscaux qui ont décidé de partir s’installer à l’étranger, dont 40% de jeunes de moins de 30 ans. C’est cela qui est le plus inquiétant. Il ne faut pas que les quelques arbres des grandes fortunes qui quittent la France fassent oublier la forêt des jeunes diplômés qui décident de partir. Nous sommes dans une situation où notre pays est en train d’exporter une partie de sa jeunesse et de sa matière grise et d’importer une immigration qui, par rapport aux autres pays européens, est sous diplômée. Il y a toutefois une partie de mouvement logique. Les jeunes maitrisent aujourd’hui beaucoup mieux les langues étrangères, en particulier l’anglais, et dans quasiment toutes les formations supérieures il y a un stage long prévu à l’étranger. Ensuite, très souvent on part célibataire et l’on revient en couple. Tout cela crée à la fois des opportunités de vie personnelle, où certains font le choix de fonder une famille à l’étranger, mais aussi professionnelle où d’autres se disent à juste titre qu’ils peuvent tenter l’aventure hors de France. Quand je vois en Australie le nombre de visas vacances-travail qui ne repartent pas, ou en Chine et au Japon les jeunes qui sont venus en Volontariat international en entreprise ou en administration et qui finalement ont trouvé un travail et décident de s’y établir, c’est à la fois un signe d’optimisme pour la région, mais aussi de pessimisme pour la France. D’autre part, qu’est-ce qui fait avancer un pays ? Ce sont les gens qui prennent des risques, et aujourd’hui beaucoup d’entre eux décident de s’expatrier, et c’est cela qui est inquiétant. Certes une partie de ces jeunes retournera s’installer en France, mais une autre ne reviendra jamais. La vision parfois caricaturale que l’on peut avoir des expatriés en métropole a-t-elle vraiment changé depuis l’élection des Français de l’étranger ? Je pense qu’elle évolue auprès des élus, notamment grâce à mes collègues socialistes qui contribuent à changer au sein de leur parti l’image des expatriés, souvent plus caricaturale que celle que l’on peut avoir à droite. Ainsi, à l’Assemblée nationale, il y a aujourd’hui 11 députés sur 577 qui sont là pour rappeler et mieux faire connaitre les réalités de l’expatriation. Petit à petit cela avance, mais il n’est pas possible de changer les mentalités en l’espace d’un an et demi. Par ailleurs le risque qu’évoquaient certains concernant les députés des Français de l’étranger, à savoir que c’était onze personnes qui allaient se faire élire pour ensuite rester tranquillement à Paris sans se préoccuper de leur circonscription, s’est révélé infondé. Il n’y en a aucun qui n’a pas pris son travail au sérieux. Propos recueillis par Quentin Weinsanto (http://www.lepetitjournal.com/tokyo) jeudi 16 janvier 2014 http://www.thierrymariani.com/?p=1075