A Poitiers, les militants d’Europe Ecologie-Les Verts s’interrogent sur leur rôle dans la majorité Le Monde Raphaëlle Besse Desmoulins 25 août 2012
Des ministres écologistes au gouvernement, pour quoi faire ? » La question était posée, jeudi 23 août, aux militants écologistes lors des Journées d’été d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), à Poitiers. En invités d’honneur, les écologistes de l’équipe Ayrault : Cécile Duflot, ministre du logement, et Pascal Canfin, ministre délégué au développement. Amphi bondé et succès garanti.
» Dans aucun autre parti, on ne se demanderait : « l’UMP au gouvernement, pour quoi faire ? » « , a lancé Hervé Kempf, animateur du débat et chroniqueur au Monde, sous les rires du public. La plaisanterie a tourné court lorsqu’il a commencé à évoquer, sous les yeux ahuris des ministres, quelques-uns des sujets qui fâchent : départ de la ministre de l’environnement Nicole Bricq, mines d’uranium au Niger, aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ou le débat sur le surgénérateur Astrid, réacteur nucléaire dit de 4e génération.
» Il a attaqué très dur, reconnaît Christine, militante à Ferney-Voltaire (Ain). Mais je crois qu’il a relayé une partie de ce que beaucoup de militants pensent : est-ce qu’on ne va pas y perdre notre âme ? » Pour cette jeune retraitée, » ça a crevé l’abcès « . » La réalité n’est pas blanche, pas noire, elle est complexe « , a répondu M. Canfin, pour qui la responsabilité des écologistes, c’est » de verdir » la politique dans leurs ministères respectifs. Un rôle que Mme Duflot a résumé d’une formule : » Peser sur le réel. » » Elle a raison « , estime Christine, également élue municipale. » Je le vois à mon niveau : tant qu’on n’est pas aux manettes, on peut donner des idées mais on ne décide de rien « , glisse-t-elle.
Au final, peu ont des regrets sur l’accord avec le PS qui leur a permis d’avoir ministres et groupe parlementaire, mais qui a aussi » coûté très cher au parti en termes de crédibilité » pour François, militant à Rezé (Loire-Atlantique).
» Il faut prendre des risques « , avance Fabienne Roumet. Cette militante parisienne juge que » l’écologie doit passer des accords » : » C’est une question de survie. » » Ça valait le coup, surtout quand on voit ce qu’a obtenu le Front de gauche « , souligne également Marie-Françoise, militante du Val-d’Oise qui, en revanche, n’était pas favorable à la participation gouvernementale. » Le parti a perdu sa différence « , juge-t-elle.
Un avis partagé par Serge Rivet, militant parisien : » Ce qui guette EELV, c’est la « PRGisation » du parti : se mouler dans les idées et le fonctionnement du PS. » François, lui non plus, n’y était pas favorable, pourtant il s’est laissé séduire par le discours de Mme Duflot. » Elle est vraiment très habile : elle nous a montré publiquement qu’elle est capable de convaincre « , juge-t-il.
Mais la confiance n’est pas encore tout à fait au rendez-vous avec les socialistes et l’épisode Nicole Bricq a laissé des traces. » Ça a été dur à avaler « , déplore Fabienne Roumet. Et les dernières déclarations de Jean-Marc Ayrault sur le gaz de schiste, indiquant que le » débat n’était pas tranché « , n’ont pas rassuré. » S’ils reviennent dessus, c’est sûr qu’il y aura une rupture « , prévient Mme Roumet. » Il faut savoir jusqu’où on accepte le désaccord, rebondit Christine. A partir du moment où les principaux désaccords ont été listés avant, on sait à quoi s’en tenir. » » La question qui est juste, c’est la question de la limite « , avait évoqué quelques minutes plus tôt Cécile Duflot, qui s’est taillé un franc succès en évoquant la » muselière » qui l’accompagne désormais. » Lorsqu’on est secrétaire générale d’un parti, on porte un licol, on est bordé par le parti. Depuis trois mois, on m’a rajouté une muselière « , a-t-elle glissé sous les rires de la salle.
Un public qu’elle a cherché à rassurer en prenant soin de préciser qu’elle avait » essayé de négocier une muselière qui laisse la possibilité de l’ouvrir de temps en temps « .
Si François comprend cette solidarité gouvernementale des ministres, hors de question pour lui qu’elle s’applique aux parlementaires. » On ne veut pas voir des députés godillots, s’exclame-t-il. Si jamais ça posait un problème – avec le PS – , ça voudrait dire qu’on serait resté à une autre époque. » Et d’évoquer la ratification du traité budgétaire, auquel il n’est pas favorable. » Nos parlementaires sont tenus par l’accord programmatique, c’est tout, complète Fabrice Floch, militant à Pau. Il ne doit pas y avoir d’impact. «
Tous attendent maintenant de voir ce que sera la conférence environnementale, prévue les 14 et 15 septembre. » Là où nous devons mettre ensemble la pression, c’est sur ce point, a souligné Pascal Canfin. C’est clairement le moment où on va envoyer ou non des signaux. «
Certains au sein du parti commencent aussi à s’impatienter et les critiques de Jean-Luc Mélenchon sur les » 100 jours pour presque rien » pourraient rencontrer un écho. Si les militants écolos acceptent de patienter, il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps. » Là, ça commence déjà à se déliter, juge ainsi Fabienne Roumet. Maintenant, le gouvernement a trois mois pour convaincre. «