Problème : trois mois avant cette échéance, seule une demi-douzaine de DUS (sur 56 nécessaires) a été installée. Et comme il sont toujours en phase de test, aucun n’est encore vraiment opérationnel. Chez EDF, on admet être en retard. “Nous avons prévenu l’ASN que nous ne pourrions mettre en service tous les DUS d’ici la fin d’année en raison de difficultés industrielles” explique une porte-parole. La justice, elle, n’attendra pas la fin du chantier. Selon nos informations, Renaud Van Ruymbeke, doyen des juges d’instruction, vient de charger la juge Bénédicte de Perthuis d’instruire une plainte avec constitution de partie civile pour «délit de favoritisme, recel et mise en danger d’autrui».

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Directement liée à ce marché d’un milliard d’euros, dont l’appel d’offre remonte à 2013, cette plainte vise EDF et les sociétés retenues par l’électricien : le Français Clemessy allié au belge Anglo Belgian Corporation ainsi que les Américains Westinghouse et Fairbanks. Toujours selon nos informations, Greenpeace France, qui suit de près le dossier, devrait très rapidement se joindre à cette plainte.

C’est un sous-traitant de l’Allemand Man Diesel (groupe Volkswagen) qui a déposé la plainte aujourd’hui instruite par la justice. Man Diesel avait déposé une offre commune avec Alstom pour construire les fameux DUS, avant d’être écarté. Il accuse EDF d’avoir surestimé les compétences techniques de ses concurrents, et d’avoir modifié certaines données du cahier des charges en cours de route, afin d’aider les industriels retenus à surmonter leurs difficultés.

Après une première plainte infructueuse déposée en 2013, Alstom et Man avaient fait profil bas. Selon nos sources, EDF aurait en effet promis de les dédommager en leur attribuant, entre autres, un marché d’équipements en Guadeloupe. Pourtant, EDF aurait pu s’interroger sur la pertinence du choix de ses fournisseurs retenus dans l’appel d’offre des DUS. En effet, dès janvier 2014, comme Capital.fr l’avait raconté à l’époque, Yves-Marie Le Marchand, ingénieur en génie atomique et expert auprès de la Cour d’appel de Paris, adressait une longue lettre au président de l’Autorité de sûreté nucléaire pour contester les choix d’EDF. Ses conclusions ? « Les moteurs Anglo Belgian Corporation et Fairbanks Morse Engine ne sont pas conformes aux cahiers des charges d’EDF».

Mais pourquoi donc la Direction des achats d’EDF a-t-elle écarté les poids lourds Alstom et Man diesel au profit d’une société belge surtout connue pour ses moteurs de bateaux et ses marchés en Afrique et d’un groupe américain fragilisé travaillant exclusivement sous licence ? Mystère… Peut-être Jean-Bernard Lévy, le Président d’EDF, a-t-il son avis sur la question. D’après plusieurs sources internes, il vient en tout cas de pousser à la retraite anticipée l’inamovible Bruno Crescent, patron de la Direction des achats du groupe depuis 16 ans. Une version démentie par EDF qui assure que l’intéressé avait atteint la limite d’âge et “a naturellement fait valoir ses droits à la retraite”.

https://www.capital.fr/entreprises-marches/centrales-nucleaires-van-ruymbecke-lance-une-instruction-judiciaire-contre-edf-1307337