Après un départ calamiteux sur le dossier écologique, qui a conduit la Ministre en charge de l’Ecologie à quitter son ministère un mois aprés sa nomination, Jean-Marc Ayrault a manifestement tenu à rassurer sur ses intentions. Guillaume Malaurie Le Nouvel obs 4 07 12
Wait and See! car pas un mot sur Astrid, ITER, EPR, THT. Les travaux continuent. Pendant ce temps là, on occupe la galerie à l’Assemblée, on réprime manifestants, opposants, paysans et justiciables.. (Jeudi)
Pas de grosse surprise dans son discours de politique générale, mais le Premier ministre n’a pas mis de bémols aux engagements écologiques de François Hollande. Si l’interprétation n’a rien de trés personnel, la partition est jouée honnétement en suivant les portées imprimées : sans fausse note.
Parfois même piano forte sur la réforme cardinale : le « grand chantier de la transition énergétique« . Quand bien même Jean-Marc Ayrault n’a pas réaffirmé devant les députés les objectifs annuels chiffrés stipulés dans le programme de François Hollande. Rappelons les : 400.000 constructions neuves aux normes thermiques et 600.000 logements du parc ancien rénovés.
Reste l’inistance mise sur ce « programme massif d’économie d’énergie » qui laisse espérer que, dans les semaines qui viennent, soient annoncées les premières mesures. Et que l’on en sache un peu plus sur l’effort budgétaire. Et donc si oui ou non, l’investissement financier est aussi « massif » que ne le laisse entendre la bande annonce.
Car si pendant cinq ans, le gouvernement Ayrault se tenait à cette seule réforme et la menait à bien, il mériterait déjà une couronne de lauriers vert fluo. Il aurait ainsi donné le top départ à un effort qu’il faudrait d’ailleurs tenir au même rythme bien au delà de ce quinquennat pour pouvoir amortir ces investissements et en tirer tous les bénéfices. Jusqu’à 2050.
Jean-Marc Ayrault a par ailleurs rappelé l’objectif « hollandais » de réduction de la part du nucléaire dans la production électrique, de 75% à 50% à horizon 2025. Pour l’heure, il s’agit encore d’une orientation de principe. Un horizon. Il est d’ailleurs fort probable que la seule et unique centrale concernée par ce quinquennat, Fessenheim, ne fermera qu’à la fin de la législature.
Tout dépend en effet de la conception que le gouvernement Ayrault se fera de la « transition énergétique« . Une doxa qui reste trés floue et ne devrait commencer à se préçiser qu’au terme du grand débat énergétique de la rentrée prochaine que l’on peut déjà prévoir musclé.
Vers octobre ou plutôt novembre ? Voire décembre ? Ou janvier 2023 ? Car l’agenda environnemental a déjà pris un peu de retard. Prévu en juillet, la Conférence environnementale qui prend le relais du Grenelle de l’Environnement a été décalée en septembre.
Manifestement, Jean-Marc Ayrault n’a pas tranché sur les grands choix énergétiques. Et n’a rien laissé transpirer de ses convictions personnelles. Il n’a même jamais évoqué, fut-il d’un mot, les énergies renouvelables dont certaines (le photovoltaïque) sont pourtant dans une situation économique et financière proche du coma. Il n’a pas non plus fait allusion aux gaz à effet de serre, à al Conférence de Rio ou au réchauffement ; Dans son esprit, c’était hors sujet.
L’autre promesse à tenir, c’était la réforme évoquée du « code minier ». Et ce sera fait. Un code , il est vrai, d’un autre âge qui a permis et permet encore toutes les carambouilles jacobines en liaison étroite avec les pétroliers et leurs relais au sommet de l’Etat. Ce rappel vise certainement à désamorcer la polémique qui a suivi l’éviction de Nicole Bricq de son poste de Ministre de l’Écologie à propos des forages exploratoires en eau profonde en Guyane.
Pour le reste, rien de bouleversifiant. Jean-Marc Ayrault a repris les formules assez alambiquées dont est coutumier son Ministre ( et ami ) de l’Agriculture Stéphane Le Foll : « Une agriculture diversifiée, durable et performante ». Ça ne mange pas trop de pain. Mieux vaut sur ce dossier trés sensible juger sur pièces.
En revanche, ce qui manque cruellement, c’est la prise en compte du paramètre écologique dans la réforme fiscale esquissée. Jean-Marc Ayrault ne retient que la seule référence sociale. Or, sans signal pénalisant sur les énergies fossiles, comment espérer s’extraire pour de vrai de cette dépendance et de la précarité énergétique galopante sur le gaz ou le fuel ?
Ayrault a certes évoqué les » tarifs progresifs ». Séduisant mais formidablement complexe à mettre en oeuvre selon les experts. Il convient en effet de calculer pour chaque foyer la consommation de base en prenant en compte le nombre de personnes, la performance thermique du logis, sa localisation géographique et la météo par nature changeante d’une année sur l’autre.
La fiscalité écologique, ce n’est manifestement pas le dada de Ayrault. On se souviendra d’ailleurs qu’il fut un ennemi déclaré de la taxe carbone, susnommée par ses soins « taxe Bobo ».
Pour autant, Jean-Marc Ayrault n’a pas traité l’écologie et la « biodiversité » comme des dossiers en plus. Il a même lié très étroitement le « redressement productif » aux réformes énergétiques pour un avenir « sobre et efficace« . Ayrault a même insisté sur le gisement d’emplois verts. Un discours qui n’était plus tenu par Nicolas Sarkozy depuis deux ans. Depuis le fameux » L’écologie, ça commence à bien faire« .
Au delà de l’alliance parlementaire avec Europe Ecologie-les Verts, on assiste bien à une progressive percolation des arguments écologiques dans le discours productiviste classique socialiste. Même si on sent bien qu’Ayrault force sa nature pour trouver les compromis de langage pour mélanger le vert et le rose.
Au fond, l’écologie qui séduit Ayrault, c’est d’abord celle qui crée des emplois ici et maintenant.
Guillaume Malaurie