Autorité de sûreté nucléaire : grands enjeux, petits moyens

Le gendarme du nucléaire, dont les experts se penchent, lundi et mardi, sur l’EPR de Flamanville et sa cuve à l’acier défectueux, possède-t-il des effectifs à la hauteur de sa mission ? LE MONDE ECONOMIE  Jean-Michel Bezat

Ils ne sont que cinq cents, mais ils tiennent vos vies entre leurs mains. Ce sont les experts de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), renforcés par les 1 700 agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargés de contrôler les activités de la filière française, des centrales aux usines de réacteurs et de combustible jusqu’aux laboratoires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Ils devaient se pencher, lundi 26 et mardi 27 juin, sur l’avenir de l’EPR de Flamanville (Manche). En dépit de défauts dans le forgeage de la cuve où se produit la réaction nucléaire, ils s’apprêtaient à la juger bonne pour le service, moyennant des contrôles renforcés. Et à rouvrir ainsi un procès en légitimité qui avait presque disparu à mesure que le « gendarme » du nucléaire se montrait plus intraitable dans ses contrôles et plus sévère dans ses avis.

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Une situation « préoccupante »

Le président de cette autorité indépendante, nommé pour six ans par le président de la République, est irrévocable. Au fil des ans, l’ASN a gagné en légitimité, menant la vie dure à EDF et Areva et s’imposant comme l’une des autorités les plus respectées dans le monde. D’abord sous la férule d’André-Claude Lacoste, puis de son successeur Pierre-Franck Chevet. L’ASN en ferait-elle trop ? Serait-elle excessivement anxiogène ?

« Un problème ne peut être résolu en le niant », réplique volontiers le patron actuel à ses détracteurs. Il ne cachait pas, en janvier, que « la situation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est préoccupante ». Non pas que les Français soient sous la menace d’une catastrophe nucléaire, mais parce que l’on est entré dans l’ère post-Fukushima et qu’« une période d’enjeux sans précédent » s’ouvre pour ce secteur.

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La liste de ces enjeux est longue : modernisation des 58 réacteurs d’EDF et des installations de retraitement du combustible usé, remise à niveau des usines d’Areva fabriquant des composants des centrales, contrôle de Cigéo, le projet contesté de stockage souterrain des déchets très radioactifs à Bure (Meuse), certification de nouveaux réacteurs… Et tout cela dans un contexte où calendriers et coûts dérapent partout, comme ceux de l’EPR, du projet international Iter (fusion nucléaire) ou du réacteur de recherche Jules Horowitz.

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« Pas tout à fait à la hauteur »

Les autorités de contrôle ont-elles les moyens de leurs ambitions et de leurs missions ? Sans aucun doute, tranchait en 2016 un rapport commun de l’Inspection des finances et du Commissariat général au développement durable. Ils relevaient que les crédits alloués avaient augmenté de 19 % entre 2009 et 2014, prônaient des efforts de productivité et ramenaient les besoins de l’ASN et de l’IRSN à… 25 agents supplémentaires au maximum.

Loin des 150 emplois réclamés par M. Chevet, qui en a obtenu 70 entre 2014 et 2016. Il n’en persiste pas moins : cet effort « n’est pas tout à fait à la hauteur de ce dont nous avons besoin à moyen terme ». Pour que les Français, qui vivent dans l’un des pays les plus nucléarisés au monde, puissent dormir sur leurs deux oreilles.

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