Augmentation du capital, baisse des investissements, changement de direction, fusion avec EDF : les pistes sont multiples pour rétablir les finances dégradées de l’entreprise AREVA , détenue à 87% par l’État. Le Figaro 6 10 2014
À deux jours du rendu des conclusions de l’audit conduit par Standard & Poor’s, l’avenir d’Areva n’aura jamais été aussi incertain. Miné par les difficultés financières et fragilisé par les dissenssions internes, le fleuron français du nucléaire a perdu de sa superbe et nourrit les inquiétudes de son principal actionnaire, l’État.
Avec un résultat catastrophique au premier trimestre (694 millions d’euros de perte), l’exercice 2014 ne présage rien de bon pour les comptes de l’entreprise. Malgré plusieurs gros contrats signés avec l’Afrique du Sud ou les États-Unis, l’entreprise française peine à remplir son carnet de commandes depuis la catastrophe de Fukushima qui a plongé la filière nucléaire dans une crise profonde. L’arrêt des 50 réacteurs japonais a en outre privé Areva d’une manne financière essentielle: leur maintenance lui rapportait chaque année un milliard d’euros contre cinq fois moins aujourd’hui.
Le puits sans fond de l’EPR finlandais
D’autre part, le groupe français doit assumer le coût exorbitant du retard de l’EPR finlandais dont il assure la construction. Initialement prévue en 2009, la mise en service d’Olkiluoto 3 ne devrait intervenir qu’en 2018, si le chantier n’accuse pas de nouveau retard. Ce délai s’est soldé par une provision totale de près de 4 milliards d’euros passée par Areva, doublant ainsi le coût initial du projet.
Bien que le groupe ait assuré que cela «n’a pas d’impact sur le montant de ses pertes prévisionnelles», difficile de ne pas y voir un énième signe de mauvais augure pour ses résultats annuels. Le Journal du Dimanche estime que l’entreprise aurait besoin «de deux à trois milliards d’euros», qui pourraient lui être généreusement fournis par l’État dans le cadre d’une augmentation de capital -bien que la direction assure ne pas en avoir besoin.
Un directoire dans l’incertitude
Ces problèmes financiers pourraient conduire mercredi à la dégradation de la note d’Areva par Standard & Poor’s à l’issue de l’audit qu’a conduit l’agence de notation. Un tel scénario avait déjà été envisagé début septembre, lorsque le groupe avait abaissé ses prévisions de trésorerie pour la période 2014-2016. Selon le Journal du Dimanche , l’entreprise française échapperait pourtant au camouflet «à condition de réaliser des réductions de coûts et des cessions d’actifs». Certains y verront un plébiscite de la politique menée par Luc Oursel depuis qu’il a repris la présidence du directoire à Anne Lauvergeon en 2011, qui a consisté à diminuer drastiquement les dépenses du groupe. D’autres au contraire estimeront que cela n’a pas suffi à redresser la barre.
Un changement de capitaine pourrait alors être l’une des options envisagées par l’État pour sortir le groupe de ce marasme. Le tandem composé de Pierre Blayau (président du conseil) et Luc Oursel (président du directoire) fonctionne moins bien que prévu et ne devrait pas être reconduit en l’état. Philippe Knoche, directeur général délégué et bras droit de Luc Oursel, pourrait lui être préféré. Seule certitude: l’avenir d’Areva est étroitement lié à celui d’EDF, qu’il fournit en uranium naturel et dont il retraite les combustibles nucléaires usés. Le PDG du fournisseur en électricité devant être désigné le 16 octobre, Areva devra attendre jusqu’à cette date pour connaître ses futurs patrons.
Une fusion Areva-EDF?
Les destins d’EDF et d’Areva pourraient en outre être définitivement liés dans le cas d’un rapprochement entre les deux entreprises. Ce ne serait pas la première fois qu’un tel mariage serait envisagé, bien qu’il n’ait jamais été concrétisé. Bercy affirme que ce scénario n’est pas à l’ordre du jour. Mais le gouvernement a encore en tête le dossier Alstom. Cet autre géant industriel français est tombé cet été dans l’escarcelle de l’Américain General Electric, l’État ayant été obligé de monter au capital de l’entreprise pour y conserver son pouvoir d’influence. Une fusion Areva-EDF aurait l’avantage d’arrimer le groupe nucléaire français dans l’Hexagone. Sans pour autant constituer une solution miracle.
Areva devrait annoncer des baisses d’investissement-JDD
PARIS, 5 octobre (Reuters) – Areva pourrait annoncer cette semaine des baisses d’investissement afin d’éviter une dégradation de sa note par l’agence Standard & Poor’s, croit savoir le Journal du dimanche.
Selon l’hebdomadaire, l’agence de notation rendra mercredi les conclusions de son audit du spécialiste de l’atome.
Areva devrait échapper à une dégradation « à condition de réaliser des réductions de coûts et des cessions d’actifs », ajoute-t-il, précisant que les administrateurs d’Areva, qui doivent se réunir mardi pour décider des mesures à prendre et comment répondre à ces injonctions, pourraient trancher en réduisant des investissements.
Un porte-parole de la compagnie s’est refusé à tout commentaire.
Personne n’était joignable dans l’immédiat chez S&P.
Standard & Poor’s a annoncé le 9 septembre la mise sous surveillance des notes du spécialiste français de l’énergie nucléaire avec « implication négative » et indiqué qu’il statuerait d’ici à 30 jours sur un éventuel placement des notes de crédit d’Areva en catégorie spéculative.
Un abaissement des notes court et long terme d’Areva rendrait les actions et les obligations du groupe difficiles à placer, notamment auprès des fonds d’investissement qui ne peuvent prendre des positions que sur des sociétés dont les notes se situent en catégorie d’investissement.
La note de crédit long terme d’Areva est fixée à BBB-, un cran au-dessus de la catégorie spéculative, depuis décembre 2011.
Selon le JDD, l’Etat français, qui contrôle directement ou indirectement près de 87% du capital d’Areva, réfléchirait à le renflouer, mais aucune décision ne sera prise avant début 2015.
L’entreprise aurait besoin de deux à trois milliards d’euros, écrit le JDD.
Deux options existent, indique l’hebdomadaire : l’Etat renfloue Areva ou pousse au rapprochement avec EDF.
« Rien n’est à l’étude ni à l’ordre du jour », ont répondu Bercy et EDF au journal. (Gus Trompiz, avec Chine Labbé, édité par Véronique Tison)