En dépit de l’énorme somme d’argent public engloutie, le trafic est toujours largement inférieur aux objectifs fixés. L’ambition était grande. Peut-être trop.
L’aéroport de Paris-Vatry fête ses dix ans, mais l’heure n’est pas encore aux réjouissances. Au milieu des champs de betteraves de la Marne, les avions ne se bousculent pas. Derrière les grilles de sécurité, le tarmac est désert.
Seuls quelques appareils en bout de course, destinés à être détruits, y stationnent. Devant le terminal passagers, le parking, bien que gratuit, reste désespérément vide. Même chose du côté des deux terminaux fret. En cet après-midi pluvieux, pas une marchandise ne transite dans cet aéroport fantôme. France Soir 23 mars 2010
Ouvert en 2000, il a pourtant coûté, en une décennie, la bagatelle de 220 millions d’euros, financés à 80 % par le conseil général, grâce au jackpot de la vignette automobile. « Il s’agit du seul aéroport construit en France depuis 1975 », explique René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne. Le département n’a donc pas fait les choses à moitié. Classé en catégorie A, Paris-Vatry est non seulement ouvert 24 heures sur 24 mais encore capable d’accueillir les plus gros porteurs, tel l’A380, grâce à une piste de près de 4.000 mètres. Problème : le tout a été bâti sans la moindre étude de marché. Aujourd’hui, le géant des airs d’Airbus ne se pose à Vatry que pour des vols d’entraînement.
Dans le rouge
Alors que le fret lui avait permis d’arriver péniblement à l’équilibre en 2008, Paris-Vatry doit aujourd’hui faire face à la crise. Ses deux principaux clients, la compagnie allemande DHL et l’anglaise Avient, ont plié bagage l’année dernière, laissant le gestionnaire de l’aéroport, la Seve, dans le rouge. « L’objectif fixé pour 2010 était d’arriver à 150.000 tonnes de fret. Nous avons relevé un trafic inférieur à 40.000 tonnes », explique Eric Thévenon, président de la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne. Les mouvements se limitent actuellement à cinq ou six vols de fret par semaine, à destination de la Libye et de l’Afrique équatoriale. Le trafic passagers est quant à lui presque inexistant. Seuls quelques hommes d’affaires ou des équipes sportives locales transitent occasionnellement par Vatry. Au total, ce sont à peine plus de 3.000 passagers qui sont partis de Vatry en 2009, quand l’aéroport de Beauvais (Oise), à 70 kilomètres au nord de Paris, en transportait 2,5 millions.
Projet génial ou projet de fou ?
A la fin de l’année dernière, Youssef Sabeh, directeur de l’aéroport, a été remplacé. Ce débarquement aux allures de sanction n’en est pourtant pas une, à en croire les propos de René-Paul Savary. « Sa mission était d’arriver à l’équilibre, et il a réussi. Son remplacement était prévu avant la crise », explique-t-il. Son successeur, Gilles Darriau, doit maintenant remonter la pente.
L’aéroport envisage donc de prendre une nouvelle direction en se lançant dans le low cost. « Nous avons un pourcentage de pénétration des compagnies low cost inférieur à celui de nos voisins européens. Il y a des parts de marché à prendre », affirme le président du conseil général. Et à cette fin le département met une nouvelle fois la main à la poche, en attribuant une enveloppe de 750.000 euros au développement de ce secteur. Une situation qui commence à irriter une partie du conseil général. « Un projet génial et un projet de fou, ça se ressemble, résume Eric Kariger, conseiller général du département. J’étais prêt à laisser Vatry à un opérateur privé pour 1 euro symbolique. On ne peut pas jouer avec l’argent public indéfiniment. Il faut aller chercher la solidarité au niveau national. On n’a pas les reins assez solides. » Selon lui, seul un raccordement à une ligne TGV pourrait désormais sortir Vatry du gouffre.
Aéroport de Vatry : le conseil général de la Marne se retire
mardi 20 novembre 2012

Un partenaire privé est recherché pour gérer et promouvoir l’aéroport de Vatry
Il reste que la décision du conseil général de la Marne, vendredi dernier, de ne plus financer l’aéroport, traduit bien les difficultés dans lesquelles se trouve cette structure, singulièrement en matière de fret.
Voir aussi: Espagne : Un aéroport à 1 milliard d’euros abandonné, une leçon pour l’ayraultport: