Nos algues sont contrôlées tous les jours, et je vous garantis qu’elles sont sûres! Mais nous en vendons deux tiers de moins qu’avant Fukushima. Comme nombre d’agriculteurs de la région du Tohoku, Mayumi Kurasawa peine à écouler ses produits. Les consommateurs se méfient. par Hélios 5 10 2012
Avec une quinzaine d’entreprises agricoles du nord-est du Japon, Mme Kurasawa est descendue à Tokyo pour convaincre de l’innocuité de leurs produits un an et demi après l’accident de Fukushima intervenu dans cette zone.
Par une belle journée d’été indien, wasabi (raifort), champignons, pommes, saumons, céréales et même bouteilles de saké (vin de riz), ont été étalés sous les arbres du jardin de l’Institut français du Japon-Tokyo.
Tout ça vient de tout le Tohoku, une région qui s’étire sur plus de 400 km dans les confins septentrionaux de la grande île de Honshu. La préfecture la plus méridionale de cette large zone s’appelle… Fukushima, où est implantée la centrale nucléaire accidentée.
Une partie des agriculteurs, qui sont venus tenter de convaincre grossistes et restaurateurs de Tokyo, sont des sinistrés du séisme de magnitude 9 et du tsunami géant qui ont ravagé la région juste avant la catastrophe nucléaire.
L’entreprise Kawashu représentée par Mme Kurusawa a ainsi perdu sept usines emportées par le raz-de-marée. Malgré tous ses efforts, cette PME de 200 salariés peine encore à écouler ses algues wakame, pourtant très prisées des Japonais.
Ses sites de production, dans la préfecture d’Iwate, ont beau être à 300 km de la centrale Fukushima Daiichi, rien n’y fait: l’image de la centrale et du Tohoku collent à Kawashu.
De nombreux clients préfèrent acheter des produits de Corée du Sud ou de Chine que de chez nous. Ils pensent que c’est plus sûr, déplore Mayumi Kurasawa.
Contrôles sanitaires réussis
La chute est brutale: – 60% à – 70% en moyenne par rapport aux ventes d’avant l’accident nucléaire pour les produits du Tohoku.
Depuis le 1er avril, la limite légale de teneur en césium radioactif dans les aliments japonais a pourtant été rabaissée au niveau habituel (100 becquerels de césium radioactif par kilogramme), après avoir été relevée de façon provisoire après Fukushima (à 500 becquerels de césium par kilogramme) comme le prévoient les procédures internationales d’urgence.
Ce retour à la normale aurait dû rassurer les consommateurs mais, dans le même temps, des aliments de divers endroits de la préfecture de Fukushima ont été à un moment ou à un autre interdits à la vente, dont de la viande bovine, du lait, des champignons, certains légumes verts et du riz.
Les clients restent donc méfiants d’autant que des cas de fraude ont été découverts. Un grossiste vient ainsi d’être arrêté pour avoir vendu du riz de Fukushima sous le label de Nagano (centre). Le riz en question n’était pas malsain, mais la tromperie permettait de mieux écouler un produit difficilement vendable.
Et pourtant, à part dans la zone contiguë à la centrale, la majorité des produits de la préfecture de Fukushima sont aujourd’hui contrôlés et mesurés nettement sous la limite légale.(on sait comment ils font les contrôles !)
Les céréales, légumes et plantes cultivés dans les autres préfectures du Tohoku, et a fortiori les animaux qui y sont élevés, passent en très grande majorité avec succès les contrôles.
Tous les produits vendus ici sont contrôlés et sains, souligne Katsuyasu Ito, chef du restaurant de cuisine française L’auréole à Oshu (préfecture d’Iwate).
Ce cuisinier reconnu est à l’origine de cette opération de promotion des produits du Tohoku, au cours de laquelle il fait déguster une gelée de pommes semi-congelée, un canapé de coquilles Saint-Jacques à la plancha ou des lamelles de boeuf tataki (très légèrement cuites).
Solidarité de grands chefs
Malgré une atmosphère bon enfant et une ambiance marché de produits régionaux, le chef Ito reconnaît toutefois qu’il y a encore un peu d’inquiétude des consommateurs vis-à-vis des produits du Tohoku.
Avec un chiffre d’affaires amputé de 20%, Masahiro Saito, qui élève les réputés poulets fermiers de Kawamata dans la préfecture de Fukushima, s’estime moins malchanceux que ses voisins céréaliers ou maraîchers dont certains ont dû mettre la clé sous la porte.
Dans la ville de Soma, à une quarantaine de km de la centrale de Fukushima Daiichi, le riz cultivé localement est souvent aux normes, mais personne ne veut l’acheter, hormis la population locale. Du coup, les rizières sont abandonnées aux herbes folles.
Lors du pic des radiations en mars 2011, j’ai mesuré 5 becquerels de césium radioactif par kilogramme(! ?) sur mes poulets. Aujourd’hui c’est beaucoup moins, explique M. Saito en montrant fièrement ses volailles.
Comme la plupart de ses confrères, il a toujours nourri ses bêtes avec du maïs américain, (du maïs OGM de Monsanto ?) ce qui explique que les éleveurs du Tohoku souffrent un peu moins que les autres agriculteurs de la région.
Il n’y a pas de grande cuisine sans grands produits, et ceux du Tohoku ont retrouvé le top niveau, assure Thierry Marx, chef étoilé au guide Michelin qui tient le Sur Mesure à Paris.
Comme d’autres chefs français et japonais, M. Marx est venu soutenir ces producteurs par solidarité, car l’outil de travail des cuisiniers a été mis en danger.
Dix-huit mois après l’accident nucléaire, ses retombées sont en effet toujours sensibles sur l’économie, au-delà de l’agriculture, et sur la vie quotidienne de centaines de milliers d’habitants de la région.
Afin de ne jamais revivre au Japon cette expérience traumatisante, le gouvernement vient d’annoncer viser la sortie du nucléaire d’ici une trentaine d’années. (faux ! Voir le revirement de Noda, avec le chantage de l’administration américaine)