Lignes haute tension : "RTE a installé des pylônes dans mon champ sans mon accord"

LE PLUS. Le contentieux se durcit entre RTE et les opposants à l’installation de la ligne à haute tension Cotentin-Maine. Deux hommes opposés à sa construction ont été condamnés mardi 21 août en correctionnelle, à Coutances. Yves Larsonneur, éleveur à Montabot dans La Manche, explique pourquoi il s’oppose lui aussi au projet. Le Nouvel Obs le +Par  Éleveur 23-08-2012  Édité et parrainé par Sébastien Billard

Une ligne à haute tension à Flamanville, le 25 octobre 2004 (CHAMUSSY/SIPA).

Une ligne à haute tension à Flamanville, le 25 octobre 2004 (CHAMUSSY/SIPA).

Éleveur, j’ai 53 ans et je possède une exploitation de 80 hectares au sein de la petite commune de Montabot, en Centre-Manche. Une propriété que j’ai acquise progressivement à partir de 1981 et où j’élève désormais près de 70 vaches laitières.

Ce bien, qui est aussi et avant tout mon outil de travail, je m’en sens aujourd’hui complètement dépossédé. 

Deux pylônes en plein milieu de mon champ 

Il y a 5 ans, j’ai appris que RTE, gestionnaire du réseau français d’électricité, entendait faire passer dans ma propriété la ligne à très haute tension Cotentin-Maine, prévue pour acheminer l’électricité du réacteur EPR en construction à Flamanville. Selon le tracé, deux pylônes devaient être installés chez moi.

 

RTE m’a alors précisé que des dédommagements financiers avaient d’ores et déjà été négociés avec les syndicats agricoles et la chambre d’agriculture : ils prévoyaient notamment 2.000 euros par pylône tous les 9 ans. Je leur ai répondu aussitôt que personne ne négociait pour moi !

 

Depuis, je me bats pour être indemnisé sur la valeur réelle de mon bien. En effet, ces indemnités sont bien loin du compte. Avec ces deux pylônes en plein milieu de ma propriété, mon bien pourrait perdre 30 à 50% de sa valeur. À quelques années de ma retraite, et donc de la revente de ma propriété, c’est une perte énorme, non négligeable pour moi et ma compagne.

 Au-delà de la perte financière, je crains également les risques pour la santé de la présence d’une telle ligne. Un manque de transparence entoure toujours ces questions. 

RTE et l’administration sont prêts à tout

 Avec RTE, c’est un dialogue de sourds qui s’est instauré. Ils ne veulent rien entendre, rien céder. Pour me faire plier, au nom de « travaux d’utilité publique », RTE et l’administration emploient la méthode forte.

 Le 31 mars, un huissier est venu pour obtenir mon accord pour cette installation, entouré par près de huit gendarmes. De tels moyens traduisent une volonté de nous impressionner. Et cela fonctionne : la grande majorité des agriculteurs qui ont signé l’ont fait sous cette pression des gendarmes et de l’administration.

 J’ai été reçu dernièrement par le sous-préfet puis par le préfet, sans résultats. Ils m’ont demandé de faire preuve de davantage de sagesse. Ils ne sont pas disposés à bouger. La préfecture reste au service de RTE, prête à mettre à disposition toutes ses forces pour mener les travaux à leur terme. 

Ma ferme mise en servitude

 Le 31 juillet dernier, j’ai été mis en garde à vue pour entrave aux travaux qui devaient débutés. Les gendarmes m’ont plaqué au sol puis menotté dans ma propre propriété. Il y avait près de 60 gendarmes alors que nous étions seulement cinq en face.

Quand je suis revenu chez moi, le soir, les terrassements des deux pylônes avaient été réalisés, en mon absence. J’en avais les larmes aux yeux devant l’ampleur des dégradations. Désormais, le chantier est surveillé par des vigiles 24 heures sur 24.

Ma ferme est mise en servitude. RTE peut rentrer à tout moment chez moi pour avoir accès à ces pylônes. A partir de là, ce n’est donc plus vraiment chez moi. Tout ça va vraiment trop loin, je suis amer. C’est moralement difficile. Jamais je n’aurais pensé que ce genre de choses soit possible en France. Ils font tout depuis le début pour que je fasse une erreur et que je cède.

Propos recueillis par Sébastien Billard

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.