Dossier « fissures »: Lettre de Jean Pierre Moricheau envoyée au journal Politis. La bataille essentielle à nos yeux c’est l’arrêt défintif des réacteurs du Tricastin. Comme vous le verrez la fermeture de ces réacteurs devient une urgence avant l’accident. Luttons tous ensemble pour cette fermeture. Avant de commencer à lutter contre le nouvel mini EPR que veut installer GDF Suez dans le sud Drôme. Vendredi 26 novembre 2010
Les réacteurs encore en fonctionnement construits en France dans les années 1977 datent du site de Fessenheim en Alsace. Ils seront les premiers d’une série de 34 réacteurs 900 MW suivis de 22 réacteurs 1300 MW, terminés dans les années 90.
Les quatre réacteurs de Tricastin construits dans les années 80 et 81 sont les huitièmes de la série ; ils sont donc aujourd’hui 30 ans. Ils viennent d’être essayés à cet âge, et la décision de les faire durer plus longtemps encore sera prise en janvier 2011.
Au dire de ses constructeurs, ces matériels avait été construit pour 25 ans. Ils sont aujourd’hui dans une période de risque, vu leur âge. Les matériaux utilisés pour les construire datent des années 60, ils ont donc plus de 50 ans et sont dépassés. L’inutile de dire qu’il est aujourd’hui hors de question de les réapprovisionner, ni de reconstituer le stock d’appareils de mesure et de contrôle de cette époque. La solution envisagée par la direction d’EDF et de rénover complètement et à grands frais, les réacteurs. Il est admis cependant que ni la cuve qui enferme la pile atomique, ni l’enceinte de béton qui l’entoure ne peuvent être changés.
Cette cuve d’acier « peu allié » dit-on, de l’acier ordinaire en somme, n’a pas gardé son état d’origine. Cela a été enseigné par la société Westinghouse, qui a fourni le brevet à EDF. Ce métal, soumis aux flux de neutrons du réacteur, se transforme. Il passe de « l’état ductile à l’état fragile », autant dire qu’il devient cassant. Les constructeurs français ont placé des éprouvettes à l’intérieur de la cuve afin de suivre l’évolution du métal. Ces éprouvettes ont montré une évolution non conforme aux prévisions du constructeur (figure 1) .Aujourd’hui les mesures sur ces éprouvettes sont devenues confidentielles, elles sont remplacées par des mesures d’évolution du métal par ultrasons, mais, sous une épaisseur inférieure à 2 mm, au risque que les fissures soient plus profondes. Ces fissures appelées « défaut sous revêtement » (D. S. R.) sont au nombre de 17 dans la zone du cœur de Tricastin 1, alors qu’ils n’en a que cinq dans le réacteur de Fessenheim 1, et moins dans les autres.
La fragilité du métal de la cuve a amené l’exploitant à prendre plusieurs précautions : la première est de ne pas descendre la température de l’eau du réacteur sous 80° centigrades au moment des arrêts des réacteurs (tous les 18 mois, aujourd’hui) ; la seconde est d’observer scrupuleusement le rapport entre la température et la pression de l’eau du réacteur à chaque arrêt ou remise en service, afin de respecter la courbe d’évolution de ces deux données et ne pas s’en écarter. C’est le moyen d’éviter une rupture de la cuve fragilisée, qui contient de l’eau à 300° centigrades, sous une pression de 140 bars. Il y a quelques semaines, il y a eu un incident de niveau1 en Tricastin par non-observation de cette règle. Puis un autre identique, à la centrale de Cattenom.
Nous devons donc nous attendre à subir en France un accident semblable à celui de Tchernobyl, tel que nous l’avons vu sur la chaîne L. C. P et disponible sur Internet sur
http://www.chernobyl-day.org/La-bataille-de-Tchernobyl
enregistré en 2006, une version commentée par M. Gorbatchev et qui mérite toute notre attention car elle montre le niveau de sacrifice des soviétiques de l’époque, pour éviter la contamination de la planète tout entière, comme ils le craignaient . Un autre débat qui mérite aussi notre attention est celui qui a été diffusé sur Arte en mars 2010, sous le titre « Nucléaire en Alerte ». Moins descriptif, il donne la parole à toutes sortes de spécialistes du nucléaire sur la planète, qui mettent en garde les populations contre le risque de plus en plus probable d’un accident nucléaire grave. Il y a 400 réacteurs toujours en fonctionnement sur la planète, bien qu’aucun n’est été construit après 1992, mais ils sont de plus en plus vétustes.
Conscient de la difficulté, les responsables du nucléaire et leurs alliés de la protection civile qui occupent toujours une position privilégiée dans notre pays, organisent des exercices de protection et d’évacuation. Il y en a un prévu très prochainement en Tricastin. On n’en est même à se demander comment organiser la période qui suivra ses évacuations et dans quels délais on autorisera les personnes déplacées à revenir à leur domicile. Dans quelles conditions elles y survivront. On va même jusqu’à étudier, pour s’en inspirer, les conditions appliquées aux habitants de Tchernobyl qui sont restés sur les lieux.
Bien que le principe de précaution ne soit pas à l’ordre du jour aujourd’hui, le membre de la Commission Locale d’Information du Tricastin que je suis depuis une dizaine d’années, voudrait vous convaincre de la nécessité de remplacer l’électricité nucléaire par d’autres modes de production . J’espère vous avoir persuadé de vous tourner, tout simplement en changeant de fournisseur d’électricité, vers un producteur d’énergie renouvelable (Enercoop) et de participer ainsi à la fin de cette inconscience, issue de la période révolue des « Trentes Glorieuses ».
Jean-Pierre Morichaud, militant Vert historique, membre de la CLI du Tricastin (26) .
Jean-Pierre Morichaud a écrit en 2009, « Itinéraire d’un militant écologiste» où il exprime sa crainte de l’emprise de la technologie moderne sur la vie de notre planète. Disponible chez Yves Michel.