La riposte des Etats pro-nucléaires européens

Le commissaire à l’Energie veut influer davantage sur les choix énergétiques des gouvernements. Les Etats favorables au nucléaire, réunis à Paris, ont déclaré vouloir rester souverains dans la constitution de leur bouquet énergétique. 10/02/2012

C’est la réponse du berger à la bergère. 16 pays* de l’Union européenne favorables au développement de l’énergie nucléaire étaient présents à Paris, vendredi 10 février. L’occasion pour eux de réaffirmer leur attachement au nucléaire dans leur mix énergétique.  Et de renvoyer dans ses buts le commissaire européen à l’Energie. Lors d’une conférence au comité économique et social européen à Bruxelles, l’Allemand Günther Oettinger, a déclaré le 31 janvier qu’il souhaitait que la Commission acquière « une compétence totale, y compris sur le bouquet énergétique et sur les décisions relatives au traitement de l’énergie ». Seule manière, selon lui, de construire un projet énergétique commun dans l’UE. 

« Les renouvelables auront plus de valeur »

« Pour le moment, ce sont les Etats membres qui s’en occupent, mais je pense que le Parlement et le Conseil devraient prendre le relais. » « Des arguments solides plaident en faveur d’une compétence renforcée [pour la Commission] », a ajouté M. Oettinger. « Au cours de la prochaine décennie, les énergies renouvelables auront plus de valeur dans le bouquet énergétique [de l’UE]. » Aujourd’hui, les Etats de l’UE sont totalement libres de choisir les énergies qu’ils souhaitent produire ou utiliser, dans la limite des objectifs européens sur le climat.   Ces propos du commissaire ont peu de chances d’être suivis d’effets. Et n’ont pas manqué de déplaire dans les capitales de l’UE. Au premier rang desquelles la France, dont le bouquet énergétique fait la part belle à l’électricité d’origine nucléaire (environ 75%). 

« Heurté »

« J’ai été heurté d’entendre que l’Europe serait en train de sortir du nucléaire. C’est faux tant dans la production électrique que dans le nombre de pays concernés », a déclaré le ministre de l’Energie Eric Besson lors d’une conférence de presse à l’issue de la rencontre sur le nucléaire à Paris. Il faut maintenir « la liberté pour chacun des pays de choisir son mix énergétique, même si nous sommes interdépendants », a-t-il ajouté. Sans surprise, le Royaume-Uni soutient la France quand il s’agit de garder hors des griffes de Bruxelles un pan de sa souveraineté nationale. « Il est essentiel de jouer sur un pied d’égalité et que chaque pays soit libre de prendre ses décisions » sur son mix énergétique, a indiqué le secrétaire d’Etat britannique au Commerce James Sassoon.  Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, des débats ont eu lieu en Allemagne, en Italie, en Belgique et même en France sur la place de cette énergie dans les bouquets énergétiques. Dans le même temps, les objectifs de développement des renouvelables de l’UE pour 2020 risquent de ne pas être atteints. 

« Pas une alliance »

Cette rencontre informelle des pays européens favorables à l’utilisation du nucléaire « n’est pas une alliance, ni même un groupe formel », a déclaré Eric Besson. Elle vise néanmoins à faire entendre la voix des pays qui sont bien décidés à maintenir une place de choix au nucléaire dans leur bouquet énergétique, notamment en prolongeant la durée de vie de leur centrale.  Reprenant le laïus maintes fois répété par la France à Bruxelles, notamment lors des négociations sur les objectifs climatiques de l’UE pour 2020, Eric Besson a martelé : « Notre préoccupation est l’énergie décarbonnée, le nucléaire peut avoir sa place. » Les ministres présents lui ont emboité le pas. 

Point d’étape

Interrogés sur l’augmentation des coûts du nucléaire à l’avenir, le ministre français a lié ce débat à celui du renforcement de la sûreté des centrales et rappelé que la décision de faire des audits en Europe avait été prise collectivement après Fukushima. En France, l’Autorité de sûreté nucléaire estime le surcoût à 10 milliards d’euros.  La rencontre des ministres européens, prévue depuis début décembre, a eu lieu une semaine avant le point d’étape de la Commission européenne sur ces « stress tests ».

Les ministres de l’Energie ont rendez-vous à Bruxelles le 14 février. 

Quant aux 16 Etats pro-nucléaires, ils devraient se retrouver la prochaine fois au Royaume-Uni. Mais aucune date n’a été arrêtée. 

*Bulgarie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède. 

Clémentine Forissier

Source : http://www.euractiv.fr/riposte-etats-pro-nucleaires-article
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