La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre parmi les 430 salariés de Photowatt. Depuis le 8 novembre, date du placement en redressement judiciaire de l’entreprise, tous attendent de connaître le nom d’un éventuel repreneur. Les offres de rachat doivent être déposées le 10 février au tribunal, mais EDF a annoncé dès jeudi 9 février son intention de s’investir dans la reprise du fabricant de panneaux solaires. Nicolas Sarkozy en personne doit se rendresur place le 14 pour promouvoir le projet.LEMONDE.FR | 10.02.12
Vendredi matin, EDF a précisé au Monde qu’elle envisageait de maintenir sur le site 345 employés, les autres recevront une proposition de reclassement chez EDF. Déjà investisseur dans une filiale de Photowatt, PV Alliance, EDF a indiquéêtre un « candidat naturel » à sa reprise.
Fleuron du photovoltaïque à la française et promise à un avenir radieux, la société est aujourd’hui en sursis, à l’image d’une filière victime de la concurrence chinoise et des aléas de la politique énergétique hexagonale. Fondée en 1979 à Caen, Photowatt n’est à ces débuts qu’un petit organisme de recherche dans le domaine des technologies photovoltaïques. Rachetée par la compagnie canadienne ATS (Automation Tooling Systems) en 1997, la société connaît un développement accéléré au début des années 2000.
Contrairement à l’Allemagne, la France est passablement à la traîne dans le secteur de l’énergie solaire. La puissance cumulée de son parc photovoltaïque plafonne à 81 mégawatts fin 2008. Elle sera multipliée par dix en deux ans, atteignant 850 mégawatts fin 2010.
Comme ses concurrentes spécialisées dans les énergies renouvelables, Photowatt profite de la dynamique impulsée par le Grenelle de l’environnement. Les conditions financières généreuses de rachat de l’électricité solaire, instaurées dès 2006 par le gouvernement de Dominique de Villepin, favorisent une expansion rapide des installations, avec pour but d’encourager le développement de l’électricité photovoltaïque en la faisant acheter par Electricité réseau distribution France (filiale à 100 % d’EDF, qui gère 95 % du réseau) à un prix supérieur à celui des autres sources de production. Le coût est répercuté sur la facture du consommateur, tenu de verser à EDF une contribution au service public de l’électricité.
Photowatt, qui exportait avant 2006 l’essentiel de sa production vers l’Allemagne et l’Espagne, se recentre sur le marché français. Soutenu par la concurrence chinoise, le dynamisme du secteur est tel que le silicium vient à manquer. En 2008, la pénurie oblige l’entreprise à exploiter une nouvelle technologie. « Ça nous a permis de survivre encore quelques années, mais l’âge d’or était bel et bien terminé », observe Philippe Miklou, délégué FO et magasinier-cariste au sein de la société.
SURCHAUFFE
Dans ces années, l’emballement de l’activité, entretenu par des tarifs de rachat très élevés, s’accompagne d’une baisse rapide du prix de panneaux solaires. Les responsables craignent l’éclosion d’une bulle spéculative. Dès 2009, les pouvoirs publics réalisent que les objectifs définis par le Grenelle de l’environnement pour 2020 risquent d’être atteints dès 2012. La machine s’affole et, en janvier 2010, le ministère de l’écologie annonce une baisse du tarif de rachat, suivie en septembre par une nouvelle diminution. Un moratoire de trois mois sur les projets d’installation de panneaux photovoltaïques est finalement institué en décembre pour tous les projets dépassant 3 kilowatts (kW).
« S’il se justifie par l’emballement spéculatif du marché, [ce coup d’arrêt] est arrivé pour Photowatt au pire moment », expliquait en février 2011 l’ancien directeur de l’entreprise, Thierry Miremont, dans les colonnes des Echos. Dans un contexte de surproduction et face à une concurrence asiatique « féroce », la société peine àrester compétitive. L’essentiel des panneaux installés en France viennent d’ailleurs, de Chine ou d’Allemagne.
Les ventes de Photowatt reculent de 25 % au cours du premier semestre 2010-2011 et, en janvier 2011, une première vague de licenciements est annoncée. Le plan prévoit la suppression d’une centaine d’emplois permanents, sur un effectif de 534, et la réaffectation d’une centaine de salariés. D’autres départs suivront. La direction table sur un retour à l’équilibre en 2012, mais la situation empire. En juillet, elle décide de transférer à un sous-traitant chinois l’activité d’assemblage des modules solaires. Des mesures de chômage technique partiel sont mises en place. Le 4 novembre 2011, Photowatt dépose le bilan. Elle est placée en redressement judiciaire quatre jours plus tard