Ouest France 3 octobre 2011 Serge POIROT
Une étude compare dans le détail les politiques allemande et française. Et montre que la sobriété et les énergies renouvelables vont bien aider nos voisins à se passer de l’atome.
« Ils sont fous, ces Allemands ! « , entendait-on lorsque, après la catastrophe de Fukushima, ils ont décidé de fermer leurs dix-sept réacteurs nucléaires d’ici à 2022. Comment allaient-ils faire pour subvenir à leurs besoins, si ce n’est en achetant les kilowattheures de nos centrales, nucléaires à 75 % ?
Experts des questions d’énergies et d’environnement, l’association Global Chance et l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) ont voulu y voir de plus près. Dans une étude de 94 pages (1), ils comparent les politiques énergétiques menées par les deux pays depuis vingt ans. Leurs conclusions bousculent quelques idées reçues.
Ils consomment plus parce qu’ils produisent plus
Si la consommation d’énergie par citoyen allemand est supérieure de 6 % à celle du citoyen français, c’est principalement à cause de leur industrie plus active. Les consommations liées aux bâtiments sont proches. Les Français sont en revanche plus gourmands en matière de transport, bien que les Allemands aiment les grosses voitures … Globalement, ils brûlent davantage de gaz et de charbon ; nous, davantage de pétrole et d’électricité.
Ils ont une politique cohérente et constante
Économiser l’énergie, développer les renouvelables, créer des emplois étaient les trois buts de la réforme fiscale écologique engagée, en 1999, par le gouvernement fédéral. Depuis, les taxes sur l’électricité et l’essence grimpent régulièrement. En 2008, le kilowattheure coûtait vingt-deux centimes d’euros, contre douze centimes en France. Sachant à quoi s’en tenir, les ménages s’équipent d’appareils économes – réfrigérateurs, télé … fabriqués en Allemagne – et isolent leurs logements, sûrs qu’ils s’y retrouveront. « La politique énergétique allemande se caractérise par une grande cohérence, avec une conti¬nuité de l’effort, résume Michel Colombier (Iddri). En France, on a connu des moments de grande schizophrénie avec, en même temps, «la chasse au gaspi » et l’incitation installer des chauffages électriques … «
Ils croient aux énergies renouvelables
« Il y a dix fois plus de chauffe-eau solaires en Allemagne qu’en France, alors que les conditions climatiques y sont moins favorables « , s’étonne Bernard Laponche (Global Chance). Explication de Céline Marcy (Iddri) : « La politique de soutien aux énergies renouvelables est stable de¬puis les années 1970. C’est très populaire. C’est devenu la norme. Les industriels allemands ont innové. La continuité de la politique a créé une filière. » À l’inverse, déplore Michel Colombier, évoquant l’éolien et le solaire photovoltaïque, cc la France a une politique discontinue. Le risque est pour les industriels. Ceux qui se lancent ont du travail, puis plus rien. «
Ils peuvent se passer du nucléaire
« La part du nucléaire va être compensée par les économies d’énergie, explique Bernard Laponche. Le développement des renouvelables compensera la baisse du charbon. » Finalement, observe Benjamin Dessus (Global Chance), « la politique allemande joue sur des coûts bien moins incertains que la France, parce qu’on connaît mieux le coût des renouvelables dans dix ans que celui du nucléaire. » Pour l’heure, en tout cas, l’Allemagne nous vend plus d’électricité qu’elle ne nous en achète.
Serge POIROT.
(1) Les cahiers de Global Chance : « L’énergie en Allemagne et en France « , 15 €,
1 Commentaire
Pour étayer cet article et le document de Global Chance, voici trois textes concernant la France et l’Allemagne dans le domaine de l’électricité :
– http://energeia.voila.net/electri/allemagne_passer_nucle_fr.htm : L’Allemagne peut se passer du nucléaire français – démonstration à partir de la situation des dernières années (Allemagne exportateur d’électricité),
– http://energeia.voila.net/renouv/electri_renouv_fr_de.htm : Electricité renouvelable : France – Allemagne … Europe – une comparaison sur dix ans pour les principaux pays, mettant en évidence le remplacement du nucléaire et des fossiles par les renouvelables,
– http://energeia.voila.net/electri/france_allemagne.htm : France – Allemagne : import / export d’électricité – montre que l’Allemagne n’importe pas plus d’électricité (nucléaire) de France que l’année précédente depuis l’arrêt d’une partie des réacteurs nucléaires, mais lui exporte moins d’électricité.
De quoi rabaisser le caquet à de nombreux commentateurs ignorants.