Haruko Sakaguchi, professeur de français près de Fukushima, témoignait hier sur son vécu du nucléaire à Saint-Gervais, invitée par Europe écologie les Verts.

« J’étais au courant des risques nucléaires, puisque je militais timidement contre. En octobre 2010, nous avions manifesté devant la mairie de Fukushima contre l’arrivée du mox, mais nous n’étions que six à nous relayer ! Notre maison était à Miharu, à 45 km de Fukushima ; nous sommes immédiatement partis dans la région de Tokyo mais nous étions conscients que les dangers des radiations allaient jusque-là. Mon mari étant français, nous avons fait le choix très douloureux de partir, pour notre petite fille de 4 ans. Ma fille a une grande nostalgie du Japon, nous avons laissé nos amis, ma famille. Et surtout nous savons que nous ne pourrons plus jamais y retourner, c’est ça le risque nucléaire. L’eau, tout ce qu’on mange est contaminé. Mais la plupart des Japonais ne se rendent pas compte du danger. »
Vous vivez depuis en France qui est aussi un grand pays nucléaire, cela ne vous effraie pas ?
« Ici il n’y a pas le risque sismique qui est réel au Japon. Mais les Français ont tout à fait raison de se mobiliser contre le nucléaire. C’est une menace générale, il y a déjà eu trois catastrophes majeures à travers le monde, et beaucoup d’autres moins importantes. Et pourtant la même obstination des gouvernants à dire que ce n’est pas dangereux. J’ai l’intime conviction qu’au Japon, on arrivera à en sortir. Nombre de réacteurs ne sont désormais plus en fonction et en avril, tous les réacteurs seront provisoirement arrêtés. En septembre dernier il y a eu 60.000 manifestants à Tokyo ce qui est énorme pour le Japon. Et je pense que la colère due à Fukushima va grandir quand les conséquences vont commencer à apparaître. Je serais heureuse que la France se désengage, et si ce n’est pas le cas, j’envisagerais peut-être avec ma famille d’aller vivre ailleurs. »
Êtes-vous retournée au Japon depuis ?
« Oui cet été. C’est terrible, on se pose des questions énormes avant de boire un verre d’eau. C’est une très belle région que nous avons quittée, où nous faisions partie d’une communauté très sympathique. Mais quand des voisins nous ont accueillis avec la pastèque qu’ils venaient de cueillir dans leur jardin, on ne savait plus quoi faire. Les radiations sont partout et je ne retournerais vivre nulle part au Japon. C’était un départ sans retour possible. »