Nucléaire: Avec le retrait de Toshiba, un coup dur pour le secteur électrique britannique

Toshiba ne construira pas sa centrale nucléaire de Moorside. Ce retrait obère les chances du Royaume-Uni de respecter sa feuille de route nucléaire, décidément très internationaliste.

Le 08 novembre 2018 par Valéry Laramée de Tannenberg

La première centrale nucléaire japonaise du Royaume-Uni devrait être construire à Wylfa.

La première centrale nucléaire japonaise du Royaume-Uni devait être construire à Wylfa


La décision était attendue. Elle est tombée ce jeudi 8 novembre. Après des mois d’atermoiements, Toshiba, criblé de dettes, renonce au projet NuGen. Initialement lancé en 2009 par GDF Suez (aujourd’hui Engie) et Iberdrola, ce programme visait à construire et exploiter trois réacteurs nucléaires à Moorside, en Combrie, dans le nord-ouest de l’Angleterre.

TROIS AP1000 SINON RIEN
Rapidement, l’électricien ibérique a manifesté l’envie de se désengager d’une opération coûteuse et incertaine et a vendu sa participation (25%), d’abord à ses partenaires puis à Toshiba. A l’époque, le consortium japonais est l’un des leaders mondiaux du nucléaire civil, grâce à sa filiale américaine Westinghouse. En investissant 90 millions de livres (103,4 M€) dans le projet, Toshiba espère bien construire et vendre la production de trois réacteurs AP1000 conçus par Westinghouse.

8 MILLIARDS DE DETTES
C’est finalement le choix fait en 2014 par Engie et Toshiba, désormais seuls maîtres à bord. Objectif annoncé: une première mise en service pour 2024. Malgré l’achat, en 2015, de terrains à proximité du site nucléaire de Sellafield, les choses traînent. A commencer par la certification de l’AP 1000 qui sera finalement accordée par le gendarme du nucléaire britannique (ONR), en mars 2017. Quelques jours plus tard, Toshiba met sa filiale Westinghouse en faillite. Comme son concurrent français Areva, l’équipementier américain s’est avéré incapable de construire dans les temps et suivant son devis initial ses deux premiers AP1000, en Caroline du Sud et dans l’Etat de Géorgie. La dette accumulée dépasse les 8 milliards de dollars (7 Md€).

PAS DE SOLUTION SUD-CORÉENNE
Engie, qui souhaitait se désengager du projet britannique, profite de l’événement et oblige son partenaire Toshiba à lui racheter l’intégralité de ses parts (40%). Le groupe nippon se retrouve à la tête d’une coquille vide et coûteuse. Des pourparlers pour vendre la totalité du capital sont engagés avec l’électricien Kepco. Si l’industriel sud-coréen s’intéresse au projet britannique, c’est pour construire au Royaume-Uni ses propres réacteurs, les APR-1400, célèbres vainqueurs de l’EPR dans les Emirats arabes unis. Kepco veut bien s’engager sur deux tranches: une de moins que prévu par NuGen. Proposition qui n’enchante guère le gouvernement de Theresa May. En juillet dernier, les discussions nippo-britanno-coréennes sont rompues. Faute de repreneur, l’avenir de NuGen s’annonçait des plus sombres.

35 GW DE NOUVEAU NUCLÉAIRE
L’annulation du projet de Moorside est un coup dur pour la politique énergétique du Royaume. D’ici à 2035, la Grande-Bretagne doit mettre en service 60 gigawatts (GW) de nouvelles capacités de production d’électricité, dont 35 GW devront être renouvelables (éoliennes et photovoltaïques). L’administration estime raisonnable qu’une quinzaine de GW de nouveau nucléaire (deux fois plus qu’aujourd’hui) soient opérationnels vers 2030. Avec le retrait de Toshiba, cet objectif semble inatteignable.
Aujourd’hui, seul EDF Energy a engagé la construction de nouvelles tranches: ses deux EPR de Hinkley Point. La filiale d’EDF prévoit en outre de réaliser deux autres EPR à Sizewell. Mais aucune décision n’a encore été prise.

4 RÉACTEURS JAPONAIS
Possédée à 100% par Hitachi, Horizon Nuclear Power veut élever 4 réacteurs à eau bouillante maison (5.800 MW) à Wylfa (Pays de Galles) et Oldbury. La technologie a été validée par l’ONR. Hitachi achève actuellement de boucler le financement des deux chantiers. Au mieux, les deux réacteurs gallois pourraient démarrer en 2025. Aucun échéancier n’a encore été publié pour la réalisation de la centrale d’Oldbury.
Trois autres projets restent d’actualité. China General Nuclear, partenaire d’EDF à Sizewell et Hinkley Point, entend construire deux réacteurs chinois Hualong (non certifiés par l’ONR) sur le site de Bradwell. Ce projet était la contrepartie d’une participation financière aux centrales qui devaient être bâties par EDF.

UN RNR AU SODIUM?
Plus original mais tout aussi hypothétique, Hitachi, associé à General Electric, pourrait proposer de construire à Sellafield un prototype de réacteur à neutrons rapides de 311 MW, refroidi au sodium liquide. Décidément très disputé, l’ancien Windscale pourrait aussi abriter deux tranches Candu à eau lourde, de conception canadienne. Pas gagné.

http://www.journaldelenvironnement.net/article/nucleaire-coup-dur-pour-le-secteur-electrique-britannique,94663

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