
Avec sept autres associations de défense de l’environnement, l’organisation attaque le décret autorisant la construction du réacteur nucléaire de Flamanville. Un recours gracieux pour commencer.
La France doit-elle poursuivre la construction du réacteur nucléaire de nouvelle génération, l’EPR, sur le site de Flamanville (Manche) ? Pour les associations de défense de l’environnement, Greenpeace en tête, la réponse est non. Huit* d’entre elles ont attaqué ce mardi le décret du 10 avril 2007 qui a autorisé le lancement des travaux de l’EPR. Elles ont demandé au Premier ministre de l’abroger, en lui adressant un recours gracieux. Objectif : stopper définitivement les travaux. Si ce premier assaut ne suffit pas, les associations prévoient déjà de saisir le Conseil d’Etat. (AFP/CHARLY TRIBALLEAU) 18 avril 2017
Dans le document transmis à Matignon, que nous avons consulté, elles estiment que EDF — le constructeur —, Areva — qui fabrique une partie des pièces importantes du site — et, surtout, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) — chargée de vérifier que les différents intervenants respectent les règles — ont volontairement caché aux Français des informations importantes. Des éléments suffisamment graves qui, selon Greenpeace, « entachent d’illégalité les conclusions » de l’enquête publique réalisée entre le 15 juin et le 31 juillet 2006, aboutissant au fameux décret neuf mois plus tard. Selon des éléments dévoilés récemment dans les médias et repris par les associations, il apparaît que les deux entreprises et le gendarme du nucléaire étaient au courant depuis 2005 des dysfonctionnements à la forge du Creusot (Saône-et-Loire) d’Areva.
Le réacteur «qui concentre le plus d’anomalies»
Or, c’est sur ce site que la cuve et le couvercle de l’EPR, des éléments vitaux du réacteur, ont été fabriqués. Des pièces dans lesquelles on découvrira, fin 2014, des teneurs en carbone trop importantes qui les rendent plus fragiles que prévu. « Si le public avait été informé de tous ces éléments, il est fort probable que jamais l’autorisation de lancer le chantier de l’EPR n’aurait été donnée », affirme Cyrille Cormier, de Greenpeace. Pour les associations, ces informations cachées « confirment l’incapacité d’Areva et d’EDF à assurer dans des conditions satisfaisantes » la construction de l’EPR. « Le nouveau réacteur de Flamanville va devenir le plus puissant du monde, mais c’est aussi celui qui concentre le plus d’anomalies depuis le début de sa construction », prévient Cyrille Cormier avant d’énumérer une multitude de défauts de bétonnage, de soudures s’ajoutant aux malfaçons sur la cuve et le couvercle.
Conséquences de ces difficultés, le réacteur, prévu à l’origine pour 2012, ne sera pas en service avant 2018. Et, son prix a triplé pour atteindre plus de 10 Mds€. Ces aléas n’inquiètent pas EDF, pour qui ils sont propres à « toute tête de série », l’EPR de Flamanville étant le premier de sa génération. « L’Etat doit arrêter de jouer avec la sécurité des Français, dénonce pourtant Cyrille Cormier. On fait croire que tout est sous contrôle, alors que, depuis dix ans, EDF nous cache que le projet est vérolé. »
*Réseau Sortir du nucléaire, France Nature Environnement, Observatoire du nucléaire, Notre affaire à tous, la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité), le Crilan (Comité de réflexion, d’information et de lutte antinucléaire), Stop EPR ni à Penly ni ailleurs et Greenpeace.
L’avenir du site incertain
Si les associations écologistes ne parviennent pas à faire annuler le décret autorisant le lancement des travaux de l’EPR de Flamanville, un autre couperet pourrait tomber : celui de l’Autorité de sûreté nucléaire. (ASN). En septembre, elle doit dire si les défauts constatés sur la cuve et le couvercle du réacteur sont de nature à remettre en cause la sûreté des installations. En cas de réponse positive, deux scénarios se dessineraient. Soit remplacer les pièces, ce qui prendrait au moins sept ans de plus, pour un coût de 1 Md€ par an. Soit stopper définitivement les frais et démanteler le chantier. Deux alternatives aux conséquences financières dramatiques pour EDF. Car elles hypothéqueraient l’avenir des cinq autres EPR en construction dans le monde : les deux de Hinkley Point, en Angleterre, celui d’Olkiluoto, en Finlande, et les deux EPR chinois. Avec à la clé, des dédommagements à plusieurs milliards d’euros.
DOCUMENT. Le courrier adressé au Premier ministre par les associations
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