Les femmes vont-elles donner naissance à de plus en plus d’enfants retardés ? C’est un article du journal Le Monde qui pose le problème : « La pollution met en danger le cerveau ».
Stéphane Foucart, le journaliste, évoque une étude américaine portant sur la diminution du QI chez de plus en plus d’enfants nés de mères exposées à la pollution. Blog Médiapart 22 12 2014 Par Philips Michel
Quels sont les constats ?
Les scientifiques détectent de plus en plus souvent des anomalies de l’hormone thyroïdienne chez les femmes enceintes.
En même temps, depuis 30 ans, on assiste à une sérieuse augmentation de la fréquence des troubles neuro-cognitifs des enfants. Voir le diagramme ci-dessous :
On pourrait penser que c’est une meilleure détection de ces troubles qui est à l’origine de cette augmentation. Il est possible que ce facteur joue un rôle mais il ne suffit pas à lui seul car l’importance de l’augmentation est trop importante.
En particulier, on assiste à une augmentation de la fréquence de l’autisme. L’autisme est une forme de trouble neuro-cognitif. Ce trouble existe dès la naissance. Et ici aussi, une meilleure détection ne suffit pas à expliquer la nette augmentation des cas décelés ces dernières années au sein de la population infantile.Lire ici.
Par ailleurs, nous assistons à une augmentation très importante des substances chimiques présentes dans notre environnement. Augmentation en quantité et en variété.
La présence de ces substances est liée aux modifications dans notre façon de vivre : modification de notre agriculture (pesticides, engrais,…), modification dans nos façons de gérer ce que nous consommons (emballages, conservateurs,…), utilisation toujours plus grande de toutes sortes d’additifs dans les produits que nous utilisons (cosmétiques, édulcorant, conservateurs, produits d’entretien,…), utilisation de dérivés du pétrole (plastiques,…).
Jamais, dans notre environnement, un tel bouleversement chimique n’était intervenu sur une période aussi courte et dans autant de domaines.
Quelles sont ces substances toxiques ?
Elles sont très variées.
Il peut s’agir de métaux lourds (mercure,…), de pesticides, dephtalates (plastifiants des synthétiques, dans les cosmétiques, dans les aérosols, jouets en plastique).
Il est également question des particules fines.
De nombreuses substances sont des dérivés halogénés (iode, chlore, fluor) qui constituent la classe de composés organiques dont les applications sont les plus diverses et les plus nombreuses dans les domaines agricole, industriel, médical et domestique. Outre leur utilisation comme solvants, on les utilise comme intermédiaires de synthèse (pour la fabrication d’insecticides et de matières plastiques), anesthésiques (chloroforme), retardateurs de flamme (dérivés bromés), fluides frigorifiques,fluides propulseurs des générateurs d’aérosols, etc.
Certaines de ces molécules sont regroupées sous le terme commun de PE (Perturbateurs Endocriniens) en raison du fait que leur mode d’action s’apparente à celui d’hormones. Il s’agit de certains pesticides, de bisphénols, de retardateurs de flamme dans des aérosols, etc.
On connaît la toxicité de certains et une législation existe déjà pour s’en protéger (interdiction des phtalates dans les jouets pour enfant, interdiction de bisphénols, etc).
On le voit, ces substances sont partout. Elles nous concernent tous, où que nous vivions, qui que nous soyons.
Quels sont les troubles rencontrés chez les enfants ?
Nous avons déjà évoqué l’autisme mais, dans ces études, il est aussi question de la diminution du QI, d’hyperactivité, detroubles de l’attention, de retards d’acquisition. On trouve desretards mentaux, des handicaps moteurs.
L’exposition des femmes enceintes à un pesticide particulier (leChlorpyriphos-éthyl) entrainerait un développement anormalde certaines zones du cerveau de l’enfant, visibles par IRM. Lire ici.
Au total, des troubles neurologiques très divers, de gravité très variable. Certains scientifiques vont jusqu’à redouter une « fuite chimique des cerveaux » liée à une diminution des compétences cérébrales des enfants, comme l’évoque l’article de Le Monde !
À quel moment détecte-t-on ces troubles ?
Il s’agit de troubles détectés précocement. Parfois déjà durant la grossesse mais le plus souvent peu après la naissance.
Tout se passerait comme si nous assistions aux conséquences de mécanismes perturbants qui se seraient déroulés avant la naissance, durant la grossesse.
Quels seraient les mécanismes d’action de ces substances ?
L’hypothèse la plus souvent retenue est celle d’une interférence entre ces différentes molécules et l’hormone thyroïdienne.
Nous savons que l’hormone thyroïdienne de la mère passe au travers du placenta et joue un rôle essentiel dans le développement harmonieux du cerveau du fœtus, avant que celui-ci ne se mette à produire sa propre hormone.
Tout ce qui peut induire une modification du taux de cette hormone risque d’avoir des conséquences sur le système nerveux du fœtus.
Un déficit d’apport iodé chez une femme enceinte peut interférer avec le développement harmonieux du cerveau. Ce déficit peut induire une hypothyroïdie congénitale chez l’enfant (risque de retard mental ultérieur). Lire ici.
Certains des agents chimiques de notre environnement ont une formule chimique assez proche de celle de l’hormone thyroïdienne. Ces molécules pourraient « prendre la place » de l’hormone thyroïdienne et agir comme s’il existait un trouble hormonal.
L’hormone thyroïdienne circulant dans le sang du fœtus au moment du développement du cerveau constituerait donc le point commun de l’action de très nombreuses substances toxiques de notre environnement.
De plus en plus de chercheurs se penchent sur cette question. Des études sont réalisées chez des animaux (le rat par exemple). Elles semblent bien confirmer l’hypothèse de la relation entre des polluants, l’hormone thyroïdienne et le développement du cerveau.
C’est également par le biais d’une interférence avec d’autres hormones qu’agiraient ailleurs les perturbateurs endocriniens(puberté précoces, micropénis,…).
Les particules fines agiraient directement pour favoriser l‘autisme. Lire ici.
Conclusions
La présence de ces diverses molécules (ou particules), de plus en plus nombreuses dans notre environnement, liée à la fréquence grandissante de troubles neuro-cognitifs de l’enfance, conduit à se poser la question du rôle toxique joué par ces substances. Il existe une sorte de parallélisme entre les deux.
L’importance essentielle de l’hormone thyroïdienne dans le développement harmonieux du cerveau de l’enfant et la proximité de cette hormone avec certains toxiques de notre environnement (pesticides, phtalates, métaux lourds,…) impose d’approfondir la question et de prendre dès à présent toutes les mesures de protection pour éviter aux femmes enceintes de se retrouver contaminées. C’est le sort de nos générations futures qui est en jeu.
D’autre part, je ne peux m’empêcher d’évoquer ici une autre source de perturbations thyroïdiennes liées à notre environnement et dans de toutes autres circonstances. Je veux parler des rayonnements ionisants observés lors des explosions de Hiroshima et Nagasaki mais aussi après des accidents nucléaires.
Qu’il s’agisse de Tchernobyl ou de Fukushima, nous assistons à des modifications du fonctionnement de la thyroïde chez les adultes mais aussi et surtout chez les enfants. Lire ici.
Après le passage du nuage radioactif de Fukushima sur les côtes de Californie (que l’on a pu prouver par la présence de radionucléides spécifiques dans le lait de cette région), on a observé une augmentation du nombre de cas d’hypothyroïdiechez les enfants nés de mères exposées. Lire ici.
Aux environs de Fukushima, chez les enfants, on assiste à une forte augmentation de nodules thyroïdiens (dont certains sont des cancers). Lire ici
Il en est de même dans cette partie de la Biélorussie exposée à la radioactivité du nuage de Tchernobyl.
Dans ces cas, l’action des radiations se situerait plutôt au niveau de l’ADN. Mais pas seulement.
On le voit, tout ce qui risque de perturber la fonction thyroïdienne des femmes enceintes ou des jeunes enfants peut avoir des répercussions sur le plan neurologique.
La nette augmentation de ces troubles, au cours des dernières décennies, pourrait être liée à l’explosion du nombre et à la quantité des molécules de toutes sortes, présentes dans notre environnement. Et, de la même façon, chez les femmes et enfants exposés à des radiations ionisantes (Tchernobyl, Fukushima).
A l’avenir, en terme de santé, nous n’aurions pas seulement à faire face aux conséquences directes du réchauffement climatique (voir ici l’avis de l’OMS à ce sujet) mais également aux conséquences de l’emploi d’un nombre de molécules (et/ou de radiations) de plus en plus important.