Les fuites d’eau radioactive se multiplient à Fukushima. De l’eau de pluie contaminée s’est peut-être écoulée dans l’océan Pacifique, alors qu’un nouveau séisme de magnitude 7,3 s’est déclaré récemment. Ces incidents rappellent les conséquences de la catastrophe nucléaire de mars 2011. Notre contributeur, passionné de sciences et de politique, somme les dirigeants occidentaux de réagir. 06-11-2013 Par Jean-Paul Fritz Nouvel Obs LE PLUS. Édité par Rozenn Le Carboulec Auteur parrainé par Benoît Raphaël
Ces derniers jours, on parle beaucoup de Fukushima dans les médias et blogs anglophones. Pas trop côté français, on s’est arrêtés à la minuscule vague d’inquiétude du séisme du 25 octobre. Pourtant, il s’en passe des choses au pays du Soleil levant…et ailleurs.
Eau radioactive
Le problème de l’eau radioactive. C’est sans doute celui qui est le plus largement médiatisé. Pour refroidir les cœurs nucléaires, il faut de l’eau, beaucoup d’eau. Comment la décontamine-t-on ensuite, où la rejette-t-on, y a-t-il des fuites ? Entre les discours rassurants des uns et alarmistes des autres, on aimerait bien savoir à quoi s’en tenir, d’autant que l’autorité de régulation nucléaire japonaise elle-même s’inquiète. Je suis sûr que la NSA a les moyens de trouver les bonnes infos, non ?
Le privé et des déchets
Le problème du privé. Le gouvernement japonais doute des capacités de TEPCO, la compagnie propriétaire de la centrale. Mercredi dernier, le Financial Times révélait que la nationalisation de l’opération de nettoyage serait en cours de finalisation. Une position que réclame le parti libéral démocrate au pouvoir dans l’archipel nippon.
Le problème des déchets. Une vague de résidus du tsunami de 2011 flotte toujours dans le Pacifique et se dirige vers l’est. Dans sa partie concentrée, elle serait plus grosse que l’État du Texas. Pour l’instant, pas de radioactivité exceptionnelle détectée, mais d’autres dangers sont mis en avant, notamment l’existence d’espèces animales asiatiques toujours vivantes sur les déchets, qui pourraient devenir des espèces invasives en atteignant les côtes du continent américain, ce qui pourrait arriver début 2014. N’y aurait-il pas une vaste opération de nettoyage à envisager au plan international ?
L’enlèvement du combustible
Il est présenté comme une opération extrêmement délicate, le réacteur 4 à lui seul contiendrait 10 fois plus de Cesium radioactif qu’il n’y en a eu durant la catastrophe de Tchernobyl, selon un professeur de l’université de Yale cité par ABC news.
Trois cœurs radioactifs qui s’enfoncent dans le sol ? C’est en tout cas la dernière peur qui circule sur la toile ces jours-ci, initiée par le militant antinucléaire américain Paul Gunter. Celui-ci a déclaré dans une interview qu’il n’y avait aucune nouvelle de trois cœurs fondus (sur quatre) de la centrale de Fukushima. Selon Gunter, ils pourraient avoir déjà traversé le socle de béton pour s’enfoncer dans le sol. À-t-il raison ou tort ? Il serait temps d’apporter des réponses précises, et des solutions pour maîtriser ces cœurs radioactifs au lieu de se préoccuper de communication rassurante…
Le droit d’ingérence sélectif des États
La communauté internationale aime à se préoccuper de ce qui se passe dans d’autres pays. S’ingérer dans la guerre civile lybienne, chercher des armes de destruction massive chez les Irakiens, menacer la Syrie sur les armes chimiques semble légitime aux dirigeants occidentaux, qui invoquent le droit d’ingérence.
Mais bizarrement, lorsqu’on laisse à une compagnie privée le soin de réparer les conséquences du plus terrible accident nucléaire depuis Tchernobyl, les chantres de l’interventionnisme restent quelque peu muets, à part quelques offres d’assistance sympathiques que l’on ne s’offusque pas de voir minimisées, voire ignorées.
S’il peut y avoir une légitimité à faire tomber des dictatures oppressives (bien qu’il faille sans doute prendre des précautions quant à qui l’on soutient face aux susdites dictatures), pourquoi ne serait-il pas aussi légitime d’intervenir pour prévenir des dangers qui pourraient aller bien au-delà des frontières japonaises ? L’AIEA, si efficace pour observer le programme nucléaire iranien, ne devrait-elle pas avoir en permanence un bataillon d’experts à Fukushima ?
Il semblerait que lorsqu’on parle de nucléaire, il y ait un os. Pourtant, ne pas agir, c’est laisser le champ libre aux antinucléaires qui, eux, ne se privent pas de critiquer et d’agiter toutes les peurs. La meilleure réponse ne serait-elle pas, justement, de communiquer sur ce qu’il se passe réellement, et de mettre en œuvre un plan international de secours pour Fukushima ?
Le devoir d’ingérence n’est pas seulement politique, c’est aussi pour la sécurité de la planète, non ?