
Le dossier brûlant de l’écotaxe s’invite dans tous les débats. En discutant, jeudi 31 octobre, de la ratification du traité international portant sur l’« Accord entre le gouvernement de la République italienne et le gouvernement de la République française pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin », signé à Rome le 30 janvier 2012, certains députés, hostiles au projet, n’ont pas manqué de brocarder la volte-face du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sur l’écotaxe désormais suspendue. LE MONDE Par Rémi Barroux
« UN PROJET PHARAONIQUE »
Comment engager des milliards dans un chantier considérable – la Cour des comptes a estimé à quelque 26 milliards d’euros le coût total du percement d’un nouveau tunnel ferroviaire sous les Alpes et la construction de ses accès français et italiens –, et, dans le même temps, se priver du revenu de l’écotaxe prélevée sur la circulation routière des poids-lourds ?, s’interrogeaient ces députés. « La disparition de l’écotaxe est une double peine, a jugé François-Michel Lambert, élu (Europe Ecologie-Les Verts) des Bouches-du-Rhône. Elle a disparu alors qu’elle aurait permis de freiner ces transits inutiles, plutôt que de dépenser de l’argent dont on a bien besoin par ailleurs, dans un projet pharaonique. »
Ecotaxe ou pas, le projet du Lyon-Turin, un dossier vieux de plus de vingt ans, continue de déchaîner les passions. Pour la grande majorité des députés et des élus locaux – le projet de loi portant ratification du traité a été voté par 57 voix pour et 9 contre –, ce projet va permettre de soulager les vallées alpines d’un incessant et polluant trafic des poids lourds. « Nos vallées alpines, leurs accès et nos agglomérations sont réduites à des couloirs à camions et attendent avec impatience un report massif de la route vers le rail« , a plaidé la socialiste Bernadette Laclais (Savoie). Saturation des infrastructures routière et ferroviaire; émission de CO2 et pollution de l’air; risques d’accident comme la catastrophe du Mont-Blanc en 1999 (39 morts) ; renforcement de l’axe est-ouest et des relations commerciales avec l’Italie ; développement de l’activité économique régionale avec les chantiers à venir… autant d’arguments repris par les députés socialistes, UMP ou encore radicaux.
BAISSE RÉGULIÈRE DU FRET ROUTIER SUR L’AXE FRANCO-ITALIEN
Les opposants, eux, ont démonté, chiffres à l’appui, nombre de ces éléments. Député de Savoie, Dominique Dord, l’un des rares UMP à s’opposer au projet, a exprimé ses doutes. Tout comme le centriste Bertrand Pancher (UDI, Meuse), qui a présenté les chiffres en baisse régulière du fret routier sur l’axe franco-italien : « En 1998, 35 millions de tonnes transitaient entre nos deux pays, 26 millions en 2007, 23 millions en 2011. » « Ce projet ne tient pas compte de l’état actuel du trafic, a aussi pointé la député écologiste d’Isère, Michèle Bonneton. (…) Tout démontre que le fret entre la France et l’Italie est en diminution constante depuis quinze ans. » Les opposants pointent aussi la sous-utilisation de la ligne existante. « La ligne transalpine actuelle, celle du Mont-Cenis, pourrait absorber l’essentiel des besoins : (…) son trafic se limite actuellement à 3,4 millions de tonnes, soit à peine 20 % de sa capacité reconnue », a précisé Mme Bonneton.
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