Dans le Morbihan, des éoliennes financées par des particuliers

Sur une crête venteuse dominant la petite commune morbihanaise de Béganne (1 419 habitants) viennent d’être coulées des fondations en béton bardées de ferraille. Ici se dresseront, début 2014, les mâts de 100 mètres équipés de pales de 45 mètres d’un parc éolien de quatre turbines. D’une puissance totale de 8 mégawatts, elles produiront l’équivalent de la consommation électrique de 8 000 foyers. Voici, vantent leurs promoteurs, « les premières éoliennes citoyennes de France », car le projet a été conçu et financé par des particuliers. LE MONDE Pierre Le Hir 30.08.2013

L’association Eoliennes en Pays de Vilaine s’est inspirée de l’Allemagne ou du Danemark, où le modèle de l’énergie « participative » est bien enraciné. Outre-Rhin, la moitié des capacités renouvelables installées entre 2000 et 2010 sont la propriété de citoyens, et le pays compte plus de 650 coopératives de l’énergie, fortes de 80 000 adhérents. Au Danemark, la loi prévoit qu’au moins 20 % des parts de tout projet éolien soient proposées à la population locale.

En France, la culture de la centralisation n’a encore laissé germer que des initiatives éparses. Avant de sortir de terre, le parc éolien de Béganne a dû franchir « un parcours d’obstacles juridiques et financiers qui aura duré dix ans », relate Michel Leclercq, vice-président d’Eoliennes en Pays de Vilaine et sculpteur de profession.

« C’EST BON POUR L’IMAGE »

Il a fallu monter une SARL pour porter le projet et une société par actions simplifiée pour exploiter le parc. Susciter une cinquantaine de « clubs d’investisseurs citoyens », qui ont levé 2,7 millions d’euros de fonds propres, sur un budget de 12 millions. Convaincre un pool bancaire d’accorder un prêt pour le complément. Négocier avec EDF un tarif de rachat de l’électricité (8 centimes le kilowattheure) garanti sur quinze ans…

Un millier de souscripteurs – Bégannais, habitants du canton ou résidents du Grand Ouest – sont devenus actionnaires de la société Bégawatts. Comme Patrick Duguë, employé à l’entretien des routes, qui a constitué un club d’investissement familial avec femme, filles, gendre, cousins et petits-enfants. Ils ont versé 7 000 euros.

La commune a accompagné le projet, même si le montage financier ne lui a permis de mettre au pot que 2 000 euros. « Le premier parc éolien citoyen, c’est bon pour l’image de Béganne et des communes voisines », pense le maire, Albert Laquittant. « Mieux vaut habiter à côté d’une éolienne que d’une centrale nucléaire », ajoute son premier adjoint, Jean Bégouin.

La boucle aurait été bouclée si l’électricité des quatre turbines avait été consommée sur place. Mais elle sera injectée sur le réseau et vendue à EDF, seule façon aujourd’hui d’équilibrer le budget d’une telle opération. Et d’assurer aux actionnaires, à terme, une rentabilité de l’ordre de 4 %.

CINQ EMPLOIS CRÉÉS

Le gain n’est pas la motivation première. « La transition énergétique passe par le développement des renouvelables et les économies d’énergie, mais aussi par l’appropriation des moyens de production par les territoires », dit Michel Leclercq. Cinq emplois ont déjà été créés, pour assurer le suivi et « faire de la pédagogie » auprès des écoliers et des consommateurs. Une retombée non négligeable pour une commune qui vit de l’élevage, du tourisme et d’un petit artisanat.

La ferme éolienne de Béganne a bénéficié du soutien, à hauteur de 500 000 euros, du mouvement Energie partagée qui, explique son coordinateur, Marc Mossalgue, vise à « impliquer les citoyens dans la production d’énergies renouvelables pour en favoriser et en maîtriser le développement dans les territoires ».

Depuis 2010, ce mouvement s’est doté d’un fonds d’investissement qui a déjà collecté plus de 4 millions d’euros auprès de 2 300 souscripteurs. Il a ainsi contribué à des installations photovoltaïques dans l’Ain, le Calvados, les Hautes-Alpes, la Loire et les Yvelines. Et 25 projets de solaire, d’éolien, de biomasse, de micro-hydraulique ou de chaufferies collectives sont en gestation.

« Même si le concept se répand en France, le mouvement reste confidentiel », reconnaît Marc Mossalgue. Cette année, le fonds n’a encore collecté que le quart des 3 millions d’euros escomptés, si bien que l’Autorité des marchés financiers pourrait ne pas lui renouveler son visa. L’énergie citoyenne n’a pas encore trouvé sa place au soleil.

http://leblogdejeudi.fr/beganne-quand-les-citoyens-financent-les-eoliennes/

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