Les médias ont fait écho, fin mai, au rapport du « Comité scientifique de l’Onu sur les effets des radiations atomiques» (UNSCEAR). Selon ce rapport, l’accident nucléaire de Fukushima n’a pas entraîné d’effets immédiats sur la santé et il est peu probable qu’il y en ait à l’avenir, tant sur la population que sur les travailleurs. Si c’est exact, après un tel accident déversant dans l’atmosphère plus de 168 fois la quantité de césium que le fit la bombe d’Hiroshima, alors le nucléaire est bien inoffensif. Par Marc Humbert. Professeur d’économie politique à la faculté de Rennes 1.
L’UNSCEAR poursuit, avec l’Organisation mondiale de la santé, la ligne tenue depuis Tchernobyl, accident qui n’aurait fait directement que cinquante morts et provoqué moins de quinze décès par cancer de la thyroide. Pourtant, toutes les enquêtes sur la vie dans des lieux irradiés montrent l’ampleur des drames sanitaires.
On souffre au Japon de mille et une pathologies, bénignes ou plus pénibles, qui vous empoisonnent la vie, et de cancers plus difficiles encore de relier à la radioactivité, que ceux liés à des causes du type amiante.
On pourrait citer à l’appui de cette affirmation de nombreux rapports par des chercheurs en sciences humaines ou par des associations antinucléaires ou non. Mais les « scientifiques » critiqueraient la posture non réellement scientifique et principalement idéologique. Le grand public douterait.
Préférons donc le rapport Grover, préparé pour le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies publié, lui aussi, fin mai. Il a été réalisé dans l’esprit de tous les travaux de ce Haut-commissariat : rendre compte avec rigueur de la situation objective de populations victimes de toutes sortes d’agressions. Son « idéologie, c’est de mesurer la souffrance des personnes et d’essayer de leur venir en aide. Eh bien, ce rapport alerte sur les graves problèmes de santé des populations exposées au Japon et sur les insuffisances des mesures prises par le gouvernement, tant pendant qu’à la suite de l’accident de Fukushima. Les autorités japonaises ont réagi vivement, traitant ce rapport de non scientifique et rappelant les « bons» rapports « scientifiques» de l’OMS et de l’UNSCEAR.
Difficile aux politiques d’échapper aux lobbys
La réalité, c’est que la science n’est pas en mesure aujourd’hui de connaître la totalité des effets des radiations sur le corps humain. Ce qu’elle diagnostique la « rassure » mais elle est aveugle, ou pour le moins borgne. Statistiquement, on pourrait imaginer qu’une étude longue, prenant en compte non seulement le cancer de la thyroide mais de nombreuses autres pathologies, puisse apporter quelques évidences, concernant les effets de divers degrés d’exposition. Le rapport Graver le recommande, mais le Gouvernement japonais s’y oppose.
C’est que cette pseudoscience sert les intérêts des lobbys financiers et industriels du nucléaire et de l’uranium. Difficile aux politiques d’y échapper. Pourtant, l’Allemagne sort du nucléaire. Faisons de même et privilégions les énergies renouvelables avec un modèle décentralisé et économe. Car si ce « négationnisme nucléaire » persiste, il faudra s’attendre à d’autres Fukushima.