Un accident nucléaire coûterait jusqu’à 5.800 milliards d’euros et signerait la fin de la démocratie

C’est ce qu’indiquait un rapport confidentiel de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), réalisé en 2007, et jugé « fort peu réaliste » par l’Institut lui-même. Créé le 10-03-2013  Par Le Monde 11 03 13
nucleaireL’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) va publier les résultats détaillés de ses travaux sur le coût d’un accident nucléaire, après la publication dimanche 10 mars par le « JDD » sur la base d’un rapport de 2007 d’un chiffrage maximum de 5.800 milliards d’euros, qu’il affirme être « fort peu réaliste ».

Ce rapport confidentiel de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), cité par le « Journal du dimanche » (JDD), évaluait le coût d’une catastrophe nucléaire, en incluant les pertes économiques mais aussi les coûts environnementaux et les dépenses de santé. Selon ce rapport établi en 2007, le coût d’un accident majeur pouvait aller de 760 milliards d’euros pour un « cas de base » à 5.800 milliards d’euros, soit l’équivalent de trois années de PIB, dans le cas d’une situation particulièrement catastrophique.

Le chiffre de 5.800 milliards d’euros correspondait au pire des scénarios possibles, dans lequel 5 millions de personnes devraient être évacuées, tandis que les répercussions économiques se faisaient sentir sur une zone de 850.000 km2, abritant 90 millions de personnes au total. Le rapport reconnaissait également, selon le « JDD », que l’ampleur de la contamination, et donc son coût, pourrait varier fortement en fonction des conditions météorologiques, des vents dirigés vers les zones habitées constituant le pire des scénarios.

« Fort peu réaliste »

Dans un communiqué publié dimanche, l’IRSN affirme que le chiffre de 5.800 milliards d’euros est « fort peu réaliste ». L’objectif principal de ce rapport « était d’établir une analyse de sensibilité des conséquences économiques par rapport à différentes situations analysées, et non d’obtenir un coût réaliste d’un accident nucléaire majeur », explique l’IRSN.

Le chiffre de 5.800 milliards d’euros correspond à une analyse « à la fois majorante et rudimentaire », s’appuyant sur des « hypothèses et des outils très simplifiés pour le transfert des rejets dans l’atmosphère », poursuit l’institut. « Nous avions à l’époque utilisé un code rudimentaire ne prévoyant qu’une seule météo, celle prévalant au site de l’accident », a précisé l’économiste Patrick Momal, auteur du rapport qui n’a jamais été publié. « La météo extrême prévue dans l’étude de 2007 n’est pas réaliste », a-t-il précisé.

Dans une nouvelle étude rendue publique il y a un mois, l’IRSN a évalué le coût d’un accident nucléaire similaire à celui survenu en mars 2011 à Fukushima à environ 430 milliards d’euros. Il s’agit d’un « cas médian » pour un accident nucléaire majeur avec des rejets radioactifs, a indiqué Patrick Momal, avec une fourchette allant de 250 milliards à 1.000 milliards d’euros au maximum pour le scénario le plus grave.

L’utilité de ces travaux ne réside pas principalement dans l’affirmation de coûts très élevés, mais dans la compréhension la plus fine possible des composantes de ces coûts, qui pourraient pour partie être réduits par des ajustements des acteurs économiques et des acteurs de la gestion de la crise », a souligné l’IRSN.

Des résultats dévoilés prochainement

Les résultats détaillés de ces travaux seront publiés « prochainement dans des revues spécialisées », a précisé l’institut.

L’article du journal du Dimanche a conduit Europe-Ecologie-Les Verts à réclamer « un audit complémentaire indépendant et pluraliste ». De son côté, Greenpeace a demandé à la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, de publier immédiatement l’intégralité du rapport « afin de le verser au débat en cours sur la transition énergétique ».

Confirmant la prochaine publication de ces travaux, le ministère a souligné être « favorable à la transparence la plus large car elle est un élément fondamental de la sûreté nucléaire ».

Un accident nucléaire, c’est la fin de la démocratie Le Monde.fr Par Antonio Pagnotta, photojournaliste

Après deux ans de photojournalisme intensif sur les conséquences des catastrophes nucléaires de Fukushima, certaines conclusions se sont imposées qui rendent obsolètes tous les débats sur le coût du mégawatt électronucléaire et sur la sûreté de fonctionnement des centrales nucléaires.

Prenons l’hypothèse d’un accident nucléaire en France : les conséquences ne seraient pas seulement économiques – le coût s’élèverait à 430 milliards d’euros par réacteur explosé, selon un rapport de l’IRSN. Ni vitales ou écologiques : avant l’irradiation de la population et la contamination de l’environnement, le premier danger auquel il faudrait parer serait d’ordre social et politique : l’effondrement de l’Etat, pesant sur la démocratie, voire sur la République.

Le gouvernement se trouverait alors face à un choix ici sommairement résumé : vendre le château de Versailles pour dédommager les victimes ou abandonner la population irradiée à elle-même afin d’éviter la faillite de l’Etat.

Que nous apprend le cas Fukushima ? Aujourd’hui, dans la zone touchée par le panache radioactif, c’est l’abandon de la population qui prévaut : elle n’a pas été évacuée, elle est restée confinée dans les villes contaminées : Minami-soma, Koriyama, Nihonmatsu, Hirono et la ville Fukushima (homonyme de la préfecture qui en tire son nom).

Le déni du danger est l’aboutissement d’une campagne de communication intensive de l’Etat Japonais, relayée par tous les médias. Si bien que ce danger a été, au mieux, intériorisé par les habitants de ces villes, au pire, imposé.

(En 2013, s’agissant de la liberté de la presse, le Japon a chuté de la 22e place à la 53e, selon le classement de Reporters sans frontières). Dans cette cathédrale de déni, le réveil face aux maladies et à la mort n’en sera que plus douloureux.

LES IRRADIÉS SONT TRAITÉS COMME DES PARIAS

Dans la préfecture de Fukushima, l’Etat s’est effondré et n’offre plus aucune protection aux citoyens. Les irradiés sont traités comme des parias lorsqu’ils demandent le respect de leurs droits, à commencer par l’accès à un air sain et à une nourriture sans radiation.

Les seniors, les plus de 50 ans, s’affrontent avec la jeune génération. Conscients du risque d’effondrement du pays, les anciens nés dans la notion du sacrifice personnel pour le groupe, intiment aux jeunes de se taire pour ne pas endommager davantage la nation.

Bien que le Japon soit le seul pays au monde à avoir subi deux bombardements atomiques, pour la jeune génération, la situation se résume en une phrase : « A Hiroshima ce fut la colère, à Nagasaki la prière, et aujourd’hui à Fukushima, on exige notre silence. »

Dans le cas d’une fusion de cœur de réacteur nucléaire en France, il serait impossible à l’Etat de débourser les 430 milliards d’euros nécessaires (pour 2013 son budget voté est d’à peine 395,5 milliards euros). Comme il serait impossible de compter sur la soumission des Français devant les mesures draconiennes imposées par la force : verrouillage de la zone rouge pour éviter la propagation de la contamination, loi martiale sur la région pour éviter les pillages, censure sur l’information pour éviter la panique.

Les Français sont plus « subversifs » que les Japonais qui n’ont jamais pris une seule Bastille. L’Etat serait alors pris en étau entre risques de faillite et chaos social, et n’aurait d’autre solution, pour survivre, qu’appliquer les drastiques et cruelles normes sanitaires imposées à Fukushima.

Une mini-zone d’évacuation de 20 km de diamètre autour la centrale sinistrée (deux fois le territoire de Belfort, soit 1200 km2), décréter que les zones de 20 millisieverts par an (soit le niveau de radiations acceptée pour les travailleurs du nucléaire) restent habitables et autoriser des taux élevés de radiations dans la nourriture, dont les aliments pour bébés.

Les populations irradiées seraient abandonnées à leur sort, c’est-à-dire que, face aux radiations, elles n’auraient d’autres recours que l’autoprotection.

C’est la tragique conclusion tirée de ces deux années de reportages sur le désastre de Fukushima. Parmi les risques les plus redoutables de l’industrie nucléaire, rôde la menace politique. En cas de désastre, l’électronucléaire mettrait assurément en danger la République et la démocratie.

Antonio Pagnotta, photojournaliste et  auteur de Le dernier homme de Fukushima, éditions Don Quichotte, 280p., 17,90 euros.

 

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