Le nombre de ménages ne trouvant plus d’avantage à vivre à proximité d’un centrale nucléaire a presque doublé depuis la catastrophe de Fukushima, ce qui reflète l’opposition croissante à un longtemps critiqué système d’achat des gens pour promouvoir l’énergie nucléaire. The Asahi Shimbun – 2 janvier 2013.
Pour l’exercice 2011 et selon les chiffres obtenus par l’Asahi Shimbun au travers d’interviews et de demandes au nom de la liberté d’informer, 14 préfectures ont payé 7,6 milliards de yens (87 millions de dollars) en « compensations » à 1,03 millions de ménages. Cette année-là, 171 ménages ont refusé ces « compensations » contre 94 l’année précédente, soit une augmentation de 80 pour cent. Ce nombre variait entre 80 et 100 les années précédentes. Ces chiffres excluent la préfecture de Fukui, qui ne tient pas de statistiques sur les personnes.
Un habitant de 64 ans d’Hitachi, dans la préfecture d’Ibaraki, a déclaré que l’accident de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima provoqué par le tsunami de Mars 2011 l’a incité à refuser une partie de ces compensations. « J’ai reçu des compensations sans y penser mais ce n’est rien d’autre que de la corruption », a-t-il dit. « Nous nous sentons redevables si nous continuons à les recevoir même si elles sont faibles. » Il dit qu’il n’en refuse pas la totalité parce qu’il veut que Tokyo Electric Power Co., l’exploitant de la centrale nucléaire dévastée de Fukushima et qui est utilisé par la préfecture, continue de lui envoyer ces avis de paiement afin qu’il puisse exprimer son opposition en réponse. « Chaque année, en refusant une partie de ces compensations, je veux pouvoir leur montrer que je ne veux pas de leur argent ».
Cette augmentation de ceux qui refusent a été particulièrement sensible dans les préfectures de Fukushima, Aomori et Ibaraki. Dans la préfecture de Fukushima, 46 ménages ont refusé ou diminué le montant de ces compensations, contre 28 pour l’exercice 2010. Seules quatre municipalités de la préfecture ont payé des compensations car sept d’entre elles avaient décidé de les refuser après les trois (ndt: « officielles ») fusions de réacteur de la centrale de Fukushima. Dans la préfecture d’Aomori, cinquante ménages les ont refusées soit une hausse de près de 80 pour cent sur les 28, tandis qu’en préfecture d’Ibaraki 25 les ont refusées, refus qui a plus que sextuplé en quatre ans.
Ces compensations sont financés par les taxes perçues sur les factures d’électricité et sont payées par les services publics sous couvert des municipalités. Les montants sont calculés sur la capacité de production d’électricité des centrales nucléaires et d’autres facteurs. Durant l’exercice 2011, ces sommes individuelles variaient entre 2 172 et 36 000 yens annuels.
Un homme vivant dans le village de Tokai, préfecture d’Ibaraki, à seulement 9 km de la centrale nucléaire, a refusé la totalité des 4 368 ¥ de l’exercice 2011. « Je ne veux pas recevoir d’argent collecté pour promouvoir l’énergie nucléaire », a-t-il dit. « Je voulais dire directement à TEPCO que je ne veux pas de centrales nucléaires. » Cet homme de 65 ans dit qu’il n’avait pas accordé d’attention particulière à l’énergie nucléaire avant la catastrophe de Fukushima. « La dernière chose que je voudrais serait de laisser à nos enfants et petits-enfants un monde recouvert de radioactivité. »
Yasue Ashihara, 59 ans, qui s’est opposé à l’extension prévue de la centrale nucléaire de Shimane, soupçonne les services publics d’utiliser ce système pour avoir l’œil sur les opposants au nucléaire. « Seules les personnes fortement opposés à l’énergie nucléaire prennent la peine de refuser ces compensations », dit-elle, « Je pense que ce système est utilisé comme un outil pour les identifier. » Ashihara précise que ces compensations ne sont pas calculées pour faire taire les potentiels opposants au nucléaire car leurs montants sont très faibles.
Les habitants bénéficient de ces compensations en continu une fois qu’ils ont donné leurs comptes bancaires ou un autre moyen de les percevoir. Pour les refuser, les habitants doivent soumettre un formulaire écrit aux services publics. En 2002, des rapports ont fait remonter en surface que des services publics avaient dressé la liste des personnes les refusant, leurs motivations, étiquetant certains comme anti-nucléaires, liste ensuite transmise aux autorités locales. Les autorités locales ont déclaré avoir changé leurs procédures et affirment qu’elles ne sont plus au courant des raisons pour lesquelles les ménages refusent les compensations.
Un membre d’un groupe anti-nucléaire de la préfecture de Niigata a indiqué que ces prestations sont versées aux habitants vivant à proximité de centrales nucléaires, à titre de compensation pour les dérangements que cela provoque. Chaque année, plusieurs personnes viennent lui demander conseil sur ces compensations et elle leur dit qu’il n’y a pas de problème à revoir ces paiements. « Vous n’êtes pas obligés de soutenir l’énergie nucléaire si vous recevez ces compensations », leur dit-elle.
Ce système a été introduit pendant l’exercice 1981 dans le but d’obtenir compréhension et soutien envers le nucléaire. Il est dit issu d’une proposition du premier ministre Kakuei Tanaka, en 1973, qui proposait que les factures d’électricité soient abaissées dans les zones entourant des centrales nucléaires. en 1982, au cours d’une session de la Diète (parlement japonais), un député avait déclaré que ces compensations n’étaient que des faveurs consenties aux habitants et qu’elles pourraient pervertir les débats sur la sûreté des centrales nucléaires. Un haut fonctionnaire de l’Agence des Ressources Naturelles et de l’Énergie avait déclaré à cette session de la Diète que le gouvernement ne pouvait pas promouvoir la construction de centrales nucléaires sans que les habitants n’en reçoivent des bénéfices. Le responsable de l’agence avait expliqué que ce système était une mesure temporaire, même si elle a duré plus de 30 ans.
M. Shuji Shimizu, professeur de finances régionales à l’Université de Fukushima, a déclaré que ces compensations – de l’argent directement remis aux personnes – est un exemple flagrant de distribution de faveurs. « Je pense qu’en rejetant ces compensations un nombre croissant de personnes de ces zones périphériques aux centrales nucléaires disent ‘non’ à de telles pratiques », a dit M. Shimizu.
(Cet article a été rédigé à partir de rapports de Satoshi Otani, Takuho Shiraki et Atsushi Otaka.)
The Asahi Shimbun
Source (anglaise) : http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201301020092